« Je dois, il faut » : me libérer de mes conditionnements

Ce texte a pour intention de présenter en quoi et comment la Communication Nonviolente (CNV), peut nous libérer des pensées aliénantes afin de retrouver joie, estime de soi, liberté de choix et responsabilité empuissantante.
C’est un extrait du support que je distribue en fin d’atelier sur les conditionnements.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Les pensées aliénantes 

Comment puis-je le plus souvent possible être traversé∙e par la joie de donner et de recevoir du fond du cœur, y compris lorsque moi ou autrui fait quelque chose qui ne satisfait pas certains de mes besoins ou de mes aspirations ?               
La pratique de la CNV permet que chacun∙e puisse se relier à soi et aux autres en gardant (le plus possible) le cœur ouvert.  A l’inverse, les pensées figées, aliénantes ou « coupées de la vie » nous privent de notre énergie naturelle et peuvent entrainer culpabilisation, honte, dénigrement, haine de soi, etc. Nous allons donc les passer en revue et voir ensuite comment elles peuvent être transformées au prisme de la CNV !

Les pensées aliénantes se déploient de différentes façons :  
– Les jugements moralisateurs (analyse, critique, diagnostic, jugement, reproche, étiquette).
Par exemple : « Je suis pas bon∙ne en anglais » ; « Les personnes à lunettes sont des matheuses∙eux » ; « Tu rates toujours ta tarte au citron » ; « Tu n’es pas venu me rendre visite, alors que je me morfonds à l’hôpital » ; « Tu es fatiguant∙e » ; «  Ça se comprend, tu as vu ton comportement avec elle ! ».

– Les comparaisons, qui sont des jugements cachés. Comparer participe à une mentalité compétitive donc avec des perdant∙es et des gagnant∙es, cela nie aussi d’après moi la différence et la diversité.
Par exemple : « Ta sœur a toujours été plus gentille que toi » ; « Bah c’est déjà mieux qu’il y a deux semaines » ; « Tu sais j’ai connu pire (quand j’étais à la guerre…) ».

–  La formulation d’exigences et non pas de demandes.
Celles-ci font planer sur le∙la destinataire la menace d’un reproche, d’une critique, d’une accusation ou d’une punition s’il∙elle ne se conforme pas à ce qui lui est demandé !  L’exigence ne peut pas entendre un « non ».
Lorsque je formule une exigence, je me focalise sur le résultat que je veux obtenir.
Par exemple : « Je suis triste de te voir dans cet état » ; « Aies de bonnes notes ou tu peux dire adieu à la console » ; « Viens on sort ce soir, j’en ai tellement besoin, je t’attends » ; « C’est pas compliqué de réparer un évier ! ».
Pour plus de détails sur les demandes, un article ici.

Pour rappel, Marshall disait « nous ne pouvons jamais forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit » (enfin… si l’on cherche à rester dans l’intention de la CNV ! ^-^).

– Enfin, le déni ou le refus de responsabilité : toutes les fois où nous repoussons la faute sur un facteur externe qui nous semble être indépendant de notre volonté.

Je vais m’arrêter un peu sur ce point là car prendre conscience de ses responsabilités est pour moi un outil incroyablement puissant pour entamer un changement intérieur puis social. 

Dans les Mots sont des fenêtres (voir Ressources), Rosenberg explique que « nous nions la responsabilité de nos actions, pensées, émotions, etc. dès lors que nous attribuons leurs causes :

  • à des forces impersonnelles et vagues : “j’ai nettoyé ma chambre parce que je devais le faire” ;
  • à notre condition, notre diagnostic personnel ou notre histoire psychologique : “Je bois parce que je suis un∙e alcoolique” ;
  • aux actions des autres : “j’ai frappé mon enfant parce qu’il∙elle tentait de traverser la rue”
  • à la dictature de l’autorité : “j’ai menti à mon client parce que ma patronne m’a ordonné de le faire” ;
  • à la pression sociale ou celle des autres : “j’ai commencé à fumer parce que tou∙tes mes ami∙es en faisaient autant” ;
  • aux règlements institutionnels et leurs régulations : “je dois vous virer pour cette infraction car c’est le règlement de l’école” ;
  • aux rôles sociaux : “je déteste aller au travail, mais je le fais car j’ai une famille à nourrir” ;
  • aux impulsions incontrôlables : “c’est plus fort que moi, je suis possédé par mon envie de manger du gâteau au chocolat” ; »
(Licence CC0 Public Domain)
Parfois j’vois les conditionnements sociaux comme autant de cadenas qui me limitent

Il est possible d’exprimer ce qui nous traverse autrement ! Voyons dans les paragraphes suivants quelques pistes…
J’aimerais préciser qu’ici, il ne s’agit pas pour moi de simplement jouer sur les mots ou la tournure des phrases, mais bien de vous proposer de sentir comment la CNV peut faire changer de paradigme et déplacer le cadre de notre pensée habituelle. La CNV n’est pas une manière de dire, mais une manière de vivre, d’après moi.

Transformer ses jugements

Avez-vous déjà fait l’observation suivante : les jugements (envers vous-même ou envers quelqu’un×e) apparaissent dès lors que nous percevons un écart entre ce qui est et ce à quoi nous aspirons ?

Issâ Padovani (voir Ressources) avance que plus il y a un décalage entre ce qui est et ce que vous désirez, plus le jugement sera sévère.

La CNV est un processus de déconditionnement de la pensée qui permet de sortir du monde du jugement.  
Pour clarifier nos pensées, Rosenberg a travaillé sur un processus langagier : l’O,S,B,D (voir Les mots sont des fenêtres dans Ressources). Ce processus est un repère au service de notre apaisement intérieur. Je vous invite donc à reprendre l’O,S,B,D comme un étai pour retrouver plus de paix/clarté face à une situation. La première étape à savoir l’observation (dénuée d’évaluation) permet de mettre à l’épreuve de la réalité l’interprétation que nous pouvons avoir de la situation.

Si toutefois, vous remarquez que vous tenez à votre interprétation, il est possible de signifier à l’autre personne que vous êtes dans l’interprétation. Par exemple : « Quand tu fais ça, on dirait que tu le fais exprès pour m’embêter » deviendrait : « Quand tu fais ça, je l’interprète comme si tu le faisais exprès pour m’embêter ».

Ne vous jugez pas d’être traversé par des jugements. Simplement quand un jugement vous traverse, vous pouvez choisir de le traduire avec l’aide des quatre étapes du processus CNV.

Dé-comparer ?

Pour changer de vision sur la comparaison, il est possible de se demander : « quelles qualités ya t’il chez l’autre personne qui m’inspirent ? ».  Puis : « quel est le plus petit pas possible que je peux mettre en place pour avancer vers ce que cette personne m’inspire ? ».              
Je trouve que cette façon de voir les choses adoucit le discours sur nous-mêmes.

Par exemple : « Je me sens minable quand je pense à Beyoncé » devient « Quand je vois Beyoncé, je me dis woow ! Quelle superbe façon de danser ». Stratégie possible : « Je vais regarder des tutos en ligne pour me sentir plus à l’aise ».

Pour le dire de façon plus CNV : le cheminement, quelque part, est de chercher quels sont les besoins non nourris dans cette comparaison afin de retrouver la stratégie la plus joyeuse et la plus créative possible.  

(Licence CC0 Public Domain)
Dans cette image, ya t’il une chaussure « meilleure » ou « plus utile » que l’autre?

Sortir de l’exigence

Avant de faire une « demande » à autrui, il est possible de prendre quelques instants et de se reposer la question de mon intention.

Par exemple : « Depuis quel élan j’aimerais que l’autre fasse ce que je lui demande ? ».

– Est-ce que je veux un résultat ? (exigence)     
– Est-ce que je souhaite trouver comment faire pour que toutes les personnes concernées dans l’histoire aient leurs besoins nourris ? (demande)
– Ou pour le moment je souhaite simplement prendre soin de mon besoin à moi ? (demande à moi, demande d’auto-empathie)

Quand je suis en exigence, j’ai très peu de chances d’être satisfait∙e, car mes options sont réduites à une seule stratégie !  Voir l’article : Dire non et prendre soin de la relation.             

La CNV invite à prendre le temps de me tourner vers mon besoin. Quand celui-ci sera nommé, reconnu, j’ai observé qu’il est plus facile de renouer avec ce que j’ai envie de vivre et à, partir de là, d’explorer d’autres possibilités créatives (« stratégies ») pour le nourrir. Aussi, quand je nomme clairement mon besoin, je peux voir plus facilement qu’il n’y a pas une, mais plusieurs stratégies possibles pour le nourrir.

Retrouver le choix

La CNV nous encourage à utiliser un langage qui reconnaît le choix. Nous pouvons remplacer des tournures qui impliquent le déni de responsabilité par un langage qui reconnaît l’importance cruciale du choix. Par exemple : « Je dois donner des notes, parce que c’est le règlement de l’école » devient « Je choisis de donner des notes aux élèves parce que je veux garder mon poste ».     

Nous nourrissons certains de nos besoins quand nous effectuons un choix. J’ai pu constater que les auto-injonctions telles que les « je dois » sont liées au fait qu’au même moment d’autres besoins ne sont pas nourris en nous.

Dans l’exemple ci-dessus, le besoin pourrait-être “Je veux garder mon poste car… j’ai besoin de sécurité » mais au même moment mes besoins de douceur et de coopération avec les élèves à qui je mets des notes ne sont peut-être pas tous à fait comblés.

Par ailleurs, si vous avez déjà lu des listes de sentiments vous avez peut-être pu constater que certains engagent notre responsabilité (tristesse, colère, frustration, joie, etc.) alors que d’autres laissent le pouvoir à autrui (comme : je me sens rejeté∙e, ignoré∙e, abandonné∙e… sous entendu « par toi ou par autrui »).
La CNV invite à se relier aux sentiments qui permettent de prendre pleinement la responsabilité de nos ressentis, émotions, et sensations physiques et nous encourage à prendre conscience que les autres personnes, l’extérieur ne sont que les stimuli et non pas la cause de ce que nous traversons.

En cela, la CNV améliore l’estime de soi puisqu’elle nous propose de prendre soin de nos ressentis en les accueillant, en cessant d’en avoir honte ou de les considérer comme des futilités. Ce chemin permet de retrouver plus de puissance personnelle (empuissantement).

Rosenberg propose d’ailleurs de ne plus rien faire si ce n’est par choix et par envie, par jeu et par intégrité !

(Licence CC0 Public Domain)

Auto-empathie et douceur 

Rappelez-vous que c’est ok que la CNV ne vienne pas tout de suite, notamment à « chaud »  même si ça a l’air simple. Je cite ce passage de Padovani, formateur certifié en CNV : « Ce processus est tout simple. Quelle est la différence entre simple et facile ? Allumer du feu est simple mais ce n’est pas facile. C’est simple car ce n’est pas compliqué, mais ce n’est pas facile car cela demande un certain savoir faire et une certaine compréhension de ce dont il s’agit. » Alors n’oubliez pas de vous donner de l’empathie à vous-même, d’avoir de la douceur si jamais votre chacal intérieur prend la place et demande de l’attention !                

Pour conclure, enfin, Rosenberg insiste : « La langue girafe n’est pas une langue, elle n’est pas une affaire de mots ; c’est une attitude qui nous permet de rejoindre un flot d’énergie à partir duquel il est possible de donner du plus profond de son cœur. »


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