Demander la lune…

Ce texte a pour intention de revenir sur la dernière étape du « processus » O,S,B,D de la Communication Nonviolente : les demandes. Comment prendre soin du lien et se détacher de notre posture d’attente du résultat ? Comment gagner en clarté sur ce que je désire vraiment puis l’exprimer sans exiger ? Comment oser demander la lune, tout en favorisant l’authenticité et la qualité de connexion. Mais attention, plus nous sommes clair∙es sur ce que nous voulons, plus nous sommes susceptibles de l’obtenir ! 😉
C’est un extrait du support que je distribue en fin d’atelier sur les demandes.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Le B avant le D !

La CNV a l’intention de créer et maintenir une qualité de relation et non pas d’arriver à un résultat. Pour moi, ce qui a été le plus précieux, le plus kiffant en CNV, ça été la découverte de mes sentiments et de mes besoins. J’ai la croyance qu’il y a des milliers de façons de nourrir ses besoins mais qu’une mise en mots ou en action déconnectée des besoins sera inutile, à côté de la plaque, voire tragique. Aussi, restons d’abord ancré∙es sur nos besoins avant de courir tels des petits personnages sans cœur ni ventre vers la stratégie !

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)
A gauche : je me précipite, hop ! vite vite vers une action
A droite : je prends le temps de déplier l’O,S,B,D.

Ceci étant dit, j’avais envie aussi de (re)voir d’un peu plus près cette dernière étape du processus CNV. Je crois que plus je suis capable de formuler des demandes claires, plus j’arrive alors à nourrir mes besoins, et plus je contribue à la clarté et à la tranquillité dans le monde ! Rien que ça ! ^-^

Pour rappel, une demande en CNV se situe dans un espace qui n’est ni de la manipulation, ni de la contrainte, ni de la culpabilisation. Encore une fois se pose la question de l’intention : pour quelle raison aimerais-je que l’autre fasse/dise ce que je lui demande ? Suis-je toujours en train de privilégier la relation ou bien le résultat ?
Ainsi, ce ne sont pas les mots qui différencient la demande de l’exigence mais la manière dont je réagirai face au refus. Si c’est une demande, je pourrai entendre que l‘autre y réponde « non » parce que je postule que l’autre a aussi des besoins, alors je pourrai me donner de l’empathie ou nous pourrions chercher une autre solution créative, ajustée pour tous∙tes les deux !

En CNV, on distingue plusieurs types de demandes : les demandes de connexion (3 sortes) et les demandes d’actions. Passons-les en revue !

Les demandes de connexion

Avant de découvrir la CNV, je vivais plutôt dans un monde orienté « action », performance, résultat. J’étais bien loin d’imaginer qu’on pouvait « fonctionner » sans faire, loin de savoir qu’il existait au moins trois façons de nourrir une grande qualité de relation, en étant simplement! J’observe que plus je pratique la CNV, plus j’ai recours aux demandes de connexion et moins je fais appel aux demandes d’action. Vous me direz si vous constatez ou non la même tendance ! Également, je ne souhaite plus faire de demandes d’action avant d’avoir pris le temps pour ces trois étapes de connexion.

(Licence CC0 Public Domain)

Tout d’abord, la demande de contact est là pour vérifier que c’est le « bon moment » pour entrer en relation avec l’autre personne. Est-ce que je suis et est-ce qu’elle est en ÉTÉ ? C’est-à-dire est-ce que cette personne ET moi avaons l’Énergie, le Temps et l’Élan de nous écouter là maintenant ? A-t-elle le cœur ouvert ? Et moi ?

Si je cherche à ouvrir le dialogue et que je sens une tension, une défense, peut-être que cette personne ne se sent pas assez en confiance, qu’elle a besoin d’empathie, elle. « Ventre affamé d’empathie n’a pas d’oreille », selon l’expression fétiche d’Issâ Padovani, formateur certifié en CNV. Marshall Rosenberg aurait dit « Connect before correct » (« la connexion avant la correction ») : il pensait que tenter de partager son point de vue avant de s’être relié∙e empathiquement à autrui diminue drastiquement nos chances d’être entendu∙e…           
Si ce n’est pas l’ÉTÉ pour moi ou pour l’autre, je peux alors choisir de reporter le moment de notre échange, d’aller voir une autre personne, de m’offrir de l’auto-empathie. Si moi je suis en ÉTÉ, je peux lui donner de l’empathie.

Si l’échange a pu se produire, que j’ai pu évoquer tout ce qui m’habitait, je peux avoir envie de bénéficier d’une reformulation : demander à l’autre personne ce qu’elle a entendu, compris, ce qu’elle en retient. Bernard Werber dit : « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre… Mais essayons quand même ! »

Il se peut que l’autre personne se sente agacée que vous lui demandiez de reformuler ou s’imagine que vous la trouviez bêtasse. Il peut être utile de préciser que vous lui demandez cela car vous avez besoin de clarté vous, que cette reformulation est là pour vous !

Expl : J’ai peur de ne pas avoir été clair∙e, serais-tu ok pour me résumer ce que tu m’as entendu dire ? Ça m’aiderait si tu voulais bien me redire les éléments qui t’ont marqué dans ce que je viens de raconter là ? Ce que je viens de te dire était important pour moi, qu’est-ce que tu en as retenu, toi ? Si je me dis que la personne « reformule de travers », c’est-à-dire que si ce qui m’est renvoyé n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire, je ne la contredis pas ! J’essaye tout d’abord de la remercier car elle a répondu à ma demande de reformulation. Et ce faisant, elle me permet de mettre en exergue le fait que mon message n’est pas passé. Puis je peux redire d’une autre façon ce que je souhaitais partager et re-demander un retour.

Expl : Merci de me dire cela ; merci pour ton feedback, pour ton retour. Ce que je voulais dire c’est que….

Enfin, il existe la demande de connexion (ou d’expression). Lorsque nous sommes suffisamment rassuré∙es sur le fait que l’autre nous a entendu∙es, que notre message est passé, nous pouvons alors lui demander un retour sur comment il ou elle ou iel se sent après ces échanges. Nous pouvons le solliciter ainsi : Comment te sens-tu après m’avoir entendu∙e ? Est-ce que ça résonne en toi ? Comment c’est pour toi ? Voire tendre la perche : t’es surpris∙e que je te dise ça ?

Parfois, il est nécessaire d’avoir recours à de la « CNV + discrète », autrement dit de la « girafe de rue », je pense par exemple face à quelqu’un∙e qui n’a pas l’habitude de parler de ses sentiments. Je peux alors dire : Est-ce que ça te parle ? Qu’en penses-tu ?         
Dans ce cas, je trouve que vous risquez de perdre en qualité « d’information » sur ce qui est vivant chez l’autre puisqu’il y a un risque de le ou la renvoyer dans la tête plutôt que vers le cœur. En même temps, cette façon de faire permet de prendre soin de l’autre personne et nous donne moins l’air de ce que je considère être un « OVNI-CNV-chelou ». 😉

Les demandes d’action

C’est seulement quand je suis sûr∙e d’être dans une connexion de cœur à cœur et que je vois clair sur mes besoins nourris et non nourris en cet instant, que je peux alors formuler une demande visant à la satisfaction concrète de mes besoins. A ce moment, je suis prêt∙e à considérer que mes besoins sont aussi importants que ceux de l’autre.

Formuler des demandes claires et en lien avec nos besoins profonds nécessite de mon expérience de l’entraînement. La formulation de la demande d’action n’est souvent qu’un prétexte pour ouvrir le dialogue. Et c’est en cela qu’elle peut être, d’après moi, déstabilisante par rapport à une requête effectuée depuis le monde « chacal », car en formulant ma demande, la porte reste ouverte au refus de l’autre, je me fiche du résultat.

J’ai observé de plus que la demande que je peux faire au tout début du dialogue pourra être très différente de celle qui émergera, de façon presque organique en fin de l’échange, en fin de la danse CNV. J’ai observé que ce qui se révèle est beaucoup plus créatif, beaucoup plus de l’ordre d’un joyeux chemin de traverse que ce que j’aurais pu penser au début de l’interraction.

Une demande d’action en CNV a les caractéristiques suivantes : elle est réalisable, concrète, précise, et formulée positivement si possible dans l’instant présent, adressée à une ou des personnes en particulier (moi inclus∙e). « Qu’est-ce qui pourrait me rendre la vie plus belle, là, maintenant ? » Cela peut-être une parole, une action… mais toujours en lien avec mes besoins.

(Licence CC0 Public Domain)

Autrement dit, pour être formulée selon les critères de la CNV, ma demande respecte au maximum les critères « CRAPO », c’est-à-dire :

Concrète : j’utilise préférentiellement des verbes d’action et je donne les détails : quel lieu, quel moment, de quelle manière, quelle quantité (ou durée), etc. L’image mentale que je m’en fais pourrait être comme précisément visualisée par la personne à qui je fais la demande.   
J’évite donc les insinuations, les mots relatifs à des attitudes vagues comme « j’ai besoin de ma liberté, de respect, d’être moi-même », dont chacun∙e peut avoir une représentation mentale bien différente ! J’évite les demandes implicites ou lancées à la cantonade, je précise plutôt à qui elles s’adressent : à moi, à l’Autre, à d’autres (explicitement identifié∙es).

Réalisable : j’adapte ma demande aux compétences et aux capacités de mon interlocuteur∙trice.
Expl : à moi-même, je peux me demander : vais-je vraiment m’y tenir ? Est-ce que cette demande me donne envie, de la joie quand j’y pense ?

Au présent : je demande quelque chose maintenant, même si cette demande porte sur un rendez-vous ultérieur.   
Exemple : Pourriez-vous me dire maintenant quand je recevrai mon devis pour la porte ? Au lieu de : Pourriez-vous m’envoyer le devis dans 3 jours ? Positive : je dis ce que je veux plutôt que ce que je ne veux pas.

Ouverte au dialogue : je postule que l’autre a aussi des besoins et des demandes, et qu’il est susceptible de me dire non (à ce moment, je pourrais faire appel à mes oreilles girafe pour entendre le besoin auquel elle ou il ou iel dit oui et m’apporter de l’autoempathie, ou lui offrir de l’empathie).

Enfin, la demande, c’est comme le consentement, elle s’applique sur une période de temps donné (précisée), au bout de laquelle, une renégociation est possible, selon comment nos besoins ont été nourris… ou pas par la stratégie déployée. Ce n’est pas un engagement à vie !

Exemples de demandes d’actions : [A la cantine du boulot] Est-ce que tu pourrais me passer le sel, Bertrand, qui est devant toi, dès que tu auras une main de libre ?             
Peux-tu aller chercher du pain d’ici 5 à 10 min, préférentiellement une baguette sans gluten, à la boulangerie TrucTruc avec l’argent qui est dans la caisse commune ?
        
Je me refroidi à être sur cette chaise, j’aimerai fermer la fenêtre jusqu’à la pause de midi. Est-ce que si une personne du groupe se sent gênée par cette proposition, elle peut lever la main, qu’on en discute ?

Maintenant formulée de la sorte, pour moi, notre demande est un vrai cadeau car elle permet à l’autre personne de contribuer du fond du cœur, simplement par envie et non plus par peur, tout en ne « se lâchant pas la main » (en restant connectée avec ses besoins à elle) et nous avons plus de chances que ce que nous avons demandé se réalise comme nous le désirions !

(Licence CC0 Public Domain)

Les oreilles de l’autre 

Comment faire lorsque je formule une demande, depuis l’espace sincère de la demande… mais que l’autre personne entend malgré tout une exigence ? Cela peut arriver car si je suis responsable de ce que je dis, même si j’ai enfilé mes oreilles de girafe, je ne peux pas savoir avec certitude quelles oreilles l’autre personne a sur la tête. Une indication : si la personne a peu d’élan pour y répondre, ou si quelques temps après, elle vient me faire des « reproches », c’est qu’elle n’avait pas vraiment l’envie de contribuer, qu’elle l’a fait à contrecœur.

Je peux demander à l’autre personne : Comment puis-je demander de XXX sans que tu ne le prennes comme un ordre de ma part ? Rosenberg nous invitait à sortir une pancarte : « s’il te plait ne répond à ma demande que si tu le fais avec la joie d’un∙e enfant qui donne du pain à des canards. »

Auto-empathie et douceur 

Rappelez-vous que c’est ok que la CNV ne vienne pas tout de suite, notamment à « chaud », même si ça a l’air simple. Je cite ce passage de Padovani : « Ce processus est tout simple. Allumer du feu est simple mais ce n’est pas facile. C’est simple car ce n’est pas compliqué, mais ce n’est pas facile car cela demande un certain savoir faire et une certaine compréhension de ce dont il s’agit. » Alors n’oubliez pas de vous donner de l’empathie à vous-même, d’avoir de la douceur, si jamais votre chacal intérieur prend la place et demande de l’attention !       

Pour conclure, enfin, Rosenberg insiste : « La langue girafe n’est pas une langue, elle n’est pas une affaire de mots ; c’est une attitude qui nous permet de rejoindre un flot d’énergie à partir duquel il est possible de donner du plus profond de son cœur. » Pour moi, le plus important n’est pas le langage utilisé mais plutôt le changement de conscience qui précède le choix des mots.


Ci dessous le PDF qui reprend ce texte en version imprimable (cahier) :
Memo_Demandes_cahier.pdf

Libéré∙e, délivré∙e, de ma culpabilité !

Ce texte a pour intention de donner des pistes pour apprendre à s’accueillir quand j’ai été moins que parfait∙e. Avec la CNV, nous verrons comment traduire la voix éducatrice de la culpabilité pour entendre ses besoins non-nourris, essayer de faire leur deuil, et ainsi reprendre notre pleine responsabilité et nos capacités de mise en mouvement. Ce mémo présente également quelques pistes pour faire « réparation » sans honte, sans peur, ni haine de soi.
C’est un extrait du support que je distribue en fin d’atelier sur la culpabilité.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Déclaré∙e coupable !

Selon Larousse, la culpabilité est un « sentiment de faute ressenti par un sujet, que celle-ci soit réelle ou imaginaire ». La perception peut aller grandissant dans le temps, pesant sur sa conscience, elle nous ronge, nous tourmente. La personne est alors persuadée, selon ses propres perceptions et croyances morales, d’avoir mal agi. La culpabilité peut nous assaillir même pour des actes imaginés, que nous ne commettrons jamais (tuer nos parents ou les collègues de travail ^^).

La culpabilité nous signale que nous avons transgressé nos valeurs. Elle est en lien avec notre rapport à la Loi, c’est-à-dire pas forcément avec la loi administrative ou pénale, la justice étatique mais avec notre vision très personnelle du Grand Livre des Règles du Bien et Mal pour vivre en Société (ce livre d’ailleurs n’est imprimé nulle part, mais existe sous des versions trèèèèès différentes dans chacune de nos têtes).

(Licence CC BY 2.0 Dave Morris)

La honte, selon Larousse encore, est quant à elle un vécu « d’abaissement, d’humiliation qui résulte d’une atteinte à l’honneur, à la dignité », la peur « d’avoir commis une action indigne de soi, ou [la] crainte d’avoir à subir le jugement défavorable d’autrui ». Enfin, elle peut être liée à de la gêne, de la timidité, à la crainte du ridicule, à la peur de l’exclusion sociale. Je me dis que je suis indigne, inférieur∙e aux autres. La honte peut nous donner envie de fuir, de nous cacher.

Les deux expériences émotionnelles peuvent être désagréables et peuvent générer des tensions, de l’anxiété et de l’agitation.

Au service de la Vie ?

Le souvenir des tourments qui accompagnent la culpabilité peut nous inciter à être plus empathique, à mieux traiter les autres (humain∙es ou autres qu’humain∙es), à ne pas nuire à autrui juste pour « le fun ». Également, la culpabilité peut être un indicateur précieux sur les valeurs qui sont importantes pour moi.

Et en même temps, parfois la culpabilité nous signale que nous jugeons sévèrement ce que nous avons fait. Ce jugement intérieur peut me paralyser (je n’ose plus rien faire) ou je ne regarde plus que vers le passé, vers ce moment qui n’était pas complètement satisfaisant. « Je m’en veux, car je ne suis pas aussi bien que je le devrais, oh non, je ne corresponds vraiment pas à la vision idéale que j’ai de moi. »

(Licence CC0 Public Domain)

Plus l’écart entre ce que je souhaiterais être et la réalité est grand plus je me flagelle de ne pas être à la hauteur, plus je vais avoir honte et perdre en estime de moi. Je suis dans la non-acceptation de moi voire la haine de moi.

Est-ce que je me réprimande car je crois que je mérite de souffrir des conséquences de mes actes ? Est-ce que j’ai assez enduré pour pouvoir être pardonné∙e ? Est-ce que je veux faire autrement la prochaine fois parce que j’ai envie de contribuer à une vie belle pour tous∙tes ou parce que j’ai tellement honte, parce que je suis mortifié ? Rosenberg disait « chaque fois que vous agissez par peur ou par culpabilité, vous faites baisser votre estime de vous-même. »

En CNV ?

Vous l’aurez peut-être deviné à présent : en CNV, la culpabilité n’est pas considérée comme une émotion. Elle est vue plutôt comme un sentiment mêlé de jugements. Si je suis en train de me juger moi-même comme ayant tort ou étant une mauvaise personne, c’est que je ne suis pas en harmonie avec mes besoins ! Rosenberg dit que « si nous apprenons à nous évaluer sous l’angle de la satisfaction de nos besoins, nous aurons beaucoup plus de chance de tirer profit de cette évaluation ». On peut se représenter la culpabilité comme un conflit intérieur entre deux parts. Une part qui a agi (ou a l’intention d’agir) et une autre qui jugerait, la déclarerait coupable et la punirait. Il ya eu donc au moins deux besoins en jeu : un qui a été satisfait par notre comportement au temps t, un autre (« être en accord avec ses valeurs » par exemple) qui est resté non nourri. Le tiraillement peut déboucher sur un sentiment (très) désagréable à vivre (comme la tristesse, désespoir, crainte).

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)

Comme il m’est impossible de changer le passé, la CNV encourage à faire le deuil de ne pas avoir pu satisfaire ce deuxième besoin. Ce deuil, au temps t+1, passe par un temps de reconnexion à soi et à nos émotions douloureuses.                
Il n’y a plus d’ « erreur » ou de « faute » mais des moments où nous n’avons pas contribué à nos besoins ou à ceux des autres comme nous le souhaiterions.

Sortir de la culpabilité ?!

La sortie de la culpabilité en CNV passe par notre prise de responsabilité face à nos actes. La responsabilité me permet de redevenir acteur∙actrice de la situation ; de retrouver de la puissance intérieure ; d’éventuellement faire ou dire autrement la prochaine fois ; donc de renouer avec une énergie au service de la Vie.

En CNV, je suis responsable de ma vie, de mes actes, de mes paroles, ainsi que de mes pensées ! J’aurais toujours des pensées et des jugements, libre à moi de les partager ou pas, ou des traduire en observation par exemple. J’ai le choix. « L’excuse est pauvre ! C’est facile de dire qu’on est désolé, mais qu’est-ce que ça signifie ? Les gens ont appris depuis qu’iels ont été enfant, qu’on dit ça juste pour être pardonné∙es» avançait Rosenberg.
Passer de l’une à l’autre… mh, en pratique, comment faire ?

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)
  • Revenir aux faits
    Je ne peux pas revenir en arrière. Je n’obtiendrai pas davantage de contrôle (de pouvoir) puisque la situation est passée. Je regarde de nouveau la scène comme si j’observais de l’extérieur. Que s’est-il vraiment passé ? Quels sont les faits ? {Observation}

Expl : je suis arrivée chez tante Simone et en franchissant la porte, j’ai trébuché, le gâteau pour son anniversaire est tombé de mes mains, je me suis raccroché∙e au chambranle.

  • Trouver les sentiments qui sont encore présents là maintenant et les besoins non nourris.
    Qu’est-ce qui m’anime dans l’instant présent : comment je me sens ?      
    D’une part : quel(s) besoin(s) ai-je nourri(s) pendant l’action ? De l’autre, quel(s) besoin(s) n’ont pas été nourri(s) ? Si j’ai du mal à me connecter aux besoins non nourris, je peux essayer de faire parler la « petite voix » qui me juge, qui résonne en moi. Je lui prête attention et je lui demande ce qu’elle aurait aimé qui se passe, comment elle aurait vu les choses. Je peux pour la représenter sortir deux chaises ou deux coussins et passer d’une assise à l’autre. Je reste sur la première chaise quand je raconte les faits, je passe à la seconde dès que je sens que s’élève la voix de la culpabilité. J’essaye d’écouter cette part intérieure jusqu’à ce que je comprenne ses besoins non nourris pendant l’instant passé.
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Expl : Je me sens super en colère contre moi ! En me retenant à la porte, j’ai répondu à mon besoin de prendre soin de moi, ou de sécurité (je ne me suis pas cassé la binette !) ; en revanche mon besoin d’esthétique (le gâteau en miettes !) et de contribution (j’aurais aimé célébrer au mieux son anniversaire…) n’ont pas été nourris.

  • Prendre le temps…
    Je prends alors le temps de me connecter à toutes les sensations, émotions qui peuvent survenir. Je les goûte pour ce qu’elles sont. Elles peuvent être intenses et/ou désagréables…
  • Faire son deuil exige d’aller au plus profond de soi.    
    Au bout d’un moment, je peux me reconnecter à la beauté de mon aspiration, et prendre sa mesure. Cela peut permettre de sortir d’une énergie « plombante » et de re-sentir une énergie beaucoup plus joyeuse, pétillante.              
    Expl : Hum, sous ma colère, je sens une grande tristesse… et si je suis si triste c’est que je voulais contribuer autant !   
    -> Après avoir laissé son entière place à la tristesse, je peux choisir de placer mon attention sur mon aspiration : contribuer. N’est pas incroyablement beau d’avoir voulu « autant » contribuer ?
  • Mettre en place une demande (d’action ou de connexion) – Voir ce texte.
    Une fois le deuil effectué, je continue de prendre mes responsabilités. Je peux alors peut-être chercher de nouvelles façons de faire, dire, être dans l’ici et le maintenant… C’est le moment de la demande. En CNV, il en existe plusieurs types : les demandes d’actions (à soi-même, à l’autre ou à d’autres personnes – pas forcément concernées par la situation) ; les demandes de connexion qui me permettent de dire comment je me sens, de demander à l’autre personne ce qu’elle a entendu et/ou comment elle se sent. Pour rappel, les demandes en CNV se font en langage clair, positif, précis et ouvert au dialogue, au présent.
    Mais d’abord, je vérifie : suis-je encore motivé∙e par de la honte, de la culpabilité, de la haine de moi ? Suis-je encore désolé∙e ? Si oui, je retourne un peu en arrière (retour en petit c )! Si je me dis sincèrement que j’ai fait du mieux que je pouvais, que puis-je faire ou dire en ayant sincèrement l’élan de contribuer au mieux aux besoins de toutes les personnes concernées ?

Plus jamais désolé∙e

La demande a ce moment sert à rétablir l’équilibre, à faire réparation. C’est pour moi tout la puissance de la justice réparatrice ( /restaurative). Les personnes ayant subi et ayant commis le préjudice choisissent de participer activement, en général après une formation, à la résolution des difficultés résultant de l’infraction ou du crime. Cette justice permet de sortir de la logique de punition et de prison !

Pour revenir à Tante Simone, je peux exprimer à l’autre personne le(s) besoin(s) que j’ai satisfait(s) au moment t pour les célébrer et faire le deuil de celui (ceux) que je n’ai pas nourri(s) {S,B de l’OSBD}.Je peux continuer par une demande d’action, ou une demande de connexion, voire même demander à l’autre personne ce qu’elle souhaiterait.

Expl : Tu sais tata, je suis content∙e de n’avoir pas perdu l’équilibre le jour de ta fête, et en même temps, je me sens super triste car j’aurais aimé contribuer à notre relation et que tu passes un bel anniversaire avec un beau gâteau. Est-ce que tu voudrais que je t’apporte un autre gâteau samedi prochain ? {connexion et proposition d’action}

Ou (avec le même début). Est-ce tu serais OK pour me dire comment tu t’es sentie quand tu as vu le gâteau splotché par terre et qu’une fois servi, il était tout en miettes ? {connexion et proposition de connexion}

Auto-empathie et douceur 

Rappelez-vous que c’est ok que la CNV ne vienne pas tout de suite, notamment à « chaud » même si ça a l’air simple. Je cite ce passage de Padovani, formateur certifié en CNV : « Ce processus est tout simple. Allumer du feu est simple mais ce n’est pas facile. C’est simple car ce n’est pas compliqué, mais ce n’est pas facile car cela demande un certain savoir faire et une certaine compréhension de ce dont il s’agit. » Alors n’oubliez pas de vous donner de l’empathie à vous-même, d’avoir de la douceur si jamais votre chacal intérieur prend la place et demande de l’attention !
Pour conclure, enfin, Rosenberg insiste : « La langue girafe n’est pas une langue, elle n’est pas une affaire de mots ; c’est une attitude qui nous permet de rejoindre un flot d’énergie à partir duquel il est possible de donner du plus profond de son cœur. » Pour moi, le plus important n’est pas le langage utilisé mais bien plutôt le changement de conscience qui précède le choix des mots.


Ci dessous le PDF qui reprend ce texte en version imprimable (cahier) : Memo_Culpabilite_cahier.pdf

Je ne fais rien, j’écoute… (et c’est énorme !)

Ce texte a pour intention de donner des pistes pour ne plus se précipiter pour aider une personne qui n’en fait pas clairement la demande, pour plutôt écouter -grâce à la CNV- avec ce que la personne essaye de partager, rester avec l’autre, sans agir afin d’entrer en lien pleinement et complètement. Premiers pas vers l’empathie…
C’est un extrait du support que je distribue en fin d’atelier sur l’écoute.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Aider, c’est bien non ?

Par « aider » j’entends faire ou dire quelque chose. J’ai observé et d’autres avant moi que les humains sont des êtres de contribution ! Nous avons un grand plaisir à venir en aide à notre prochain∙e. Il est possible que nombre de ces élans soient spontanés et gratuits, venant du cœur. C’est une attitude qui peut être gratifiante et plutôt valorisée socialement dans la société occidentale (judéo-chrétienne) dans laquelle je vis.

Exemple : « La personne était très chargée pour monter les marches, je l’ai aidée spontanément. Elle était contente. Je ne vois pas en quoi c’est mal ? »

La CNV se place au-delà du bien et du mal avec l’intention d’être au service de la relation afin que toutes les personnes concernées puissent voir leurs besoins nourris, et ce, avec la stratégie la plus adaptée possible.           
Dans l’exemple, j’imagine que la personne chargée a pu montrer lors d’un échange de regards peut-être qu’elle était ok pour recevoir ce coup de main car elle avait besoin de soutien et de coopération. L’aide était pertinente.Prenons-nous vraiment le temps dans d’autres situations de vérifier que nous sommes en train d’apporter la réponse la plus appropriée ? D’ailleurs, est-ce que l’autre personne est vraiment en train de me demander de l’aide ?               
Pour moi, l’aide devient « non sollicitée », dès lors que je fais ou dis quelque chose en croyant « bien » faire, en voulant contribuer mais sans avoir pris le temps de me connecter aux besoins profonds de toutes les parties en présence (ceux des autres ET les miens).

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De l’aide librement consentie

L’aide non sollicitée

Le triangle de Karpman est un concept représentant les relations entre trois rôles que l’on peut endosser : le Persécuteur∙la Persécutrice | le Sauveur∙la Sauveuse | la Victime.        
Nous ne sommes pas « une victime », « un∙e sauveur∙euse », en soi, non. Parfois nous pouvons prendre temporairement une de ces postures. Egalement, nous pouvons changer de rôles : même si nous pouvons avoir des préférences de « jeu », ces rôles sont interchangeables, parfois plusieurs fois dans une même journée.

(Licence CC0 Public Domain)

D’après Karpman, quand j’endosse le rôle de la Victime, ma position est « Pauvre de moi ! ». Je me sens impuissante, sans espoir et je ne prends pas de décisions.             
>Dans ce rôle, je n’arrive pas à contacter/formuler mes besoins, je ne sais pas moi-même ce qui serait le plus juste pour retrouver de la puissance.         
>Ne pouvant faire une demande, quelque part, c’est comme si je choisissais de laisser d’autres s’en occuper à ma place (le sauveur∙la sauveuse).  
>Je suis dans le paradigme des « je dois, il faut… », je crois que je n’ai aucun choix.     
Pour moins endosser ce rôle, il m’est possible d’aller explorer le paradigme où « je choisis » et de m’appuyer sur l’O, S, B, D [à ce sujet, voir le livre de Rosenberg (voir Ressources) ou le texte que j’ai fait sur les « je dois, il faut » ] pour découvrir mes besoins et commencer à formuler une demande claire (voir ici).

Quand j’endosse le rôle du persécuteur∙de la persécutrice, je martèle (vers l’extérieur ou vers l’intérieur) : « tout est de ta faute. » Je vais contrôler, brimer, humilier, critiquer, donner des ordres, être rigide.   
>Je n’écoute alors que mes besoins sans prendre en compte ceux des autres.              
>Mes ‘demandes’ sont en fait des exigences ou des ordres.   
>Je ne cherche pas à aider, plutôt à montrer que les autres ont tort (et moi, j’ai raison, héhé !).           
Pour endosser le moins souvent possible ce rôle, il m’est possible de m’appuyer sur l’O,S,B,D pour transformer mes exigences et jugements.

Enfin, quand j’endosse le rôle de sauveur∙sauveuse, mon fil est « Laissez-moi vous aider » et je me sens vraiment mal si je ne vole pas à la rescousse de l’autre.   
>Si ce rôle semble être le plus gratifiant, il place autrui en incapacité ou en dépendance.          
>Mon attention est alors tournée vers l’extérieur plutôt que vers mes besoins propres, afin de ne pas avoir à ressentir l’inconfort de mes besoins non nourris.              
Pour endosser le moins souvent possible ce rôle, il m’est possible de me demander pourquoi l’autre me partage ça ; de me poser la question de mon intention et d’essayer de ne plus agir sans une demande claire et explicite de la part d’autrui (voir ici).

Cette représentation bien que catégorisante me parle car elle met en exergue que l’échange est « coupé de la Vie » ! Dans le triangle, dès lors qu’une des personnes qui a temporairement endossé un rôle acquiert la conscience de ses besoins profonds, ça l’amène à quitter son rôle. Comme à chaque fois avec la CNV, découvrir, voire simplement se connecter à son besoin peut permettre de transformer l’existant.         

L’écoute empathique

Typiquement, dès lors qu’une personne répète plus d’une fois une même histoire qui lui a créé de l’émotion, c’est qu’elle ne se sent pas comprise. Marshall disait : « Le chacal se répète tant qu’il n’est pas entendu ! » Un besoin est non nourri et cherche à être reconnu.

Quand quelqu’un∙e choisit de partager avec moi ce qu’il vit, la plupart du temps, il me demande juste de l’écouter. Nous avons tendance à foncer vers l’action et le faire alors qu’il est plutôt question d’écouter l’autre en tachant d’être totalement présent∙e à ce qu’il∙elle∙iel vit sans rien amener de « soi ». Ainsi, l’autre personne pourra pleinement explorer ce qui se passe à l’intérieur d’elle et trouver le chemin le plus ajusté pour elle.

(Licence CC0 Public Domain)

« Si l’humain a deux oreilles et une bouche, c’est pour écouter deux fois plus qu’il ne parle », disait Confucius.

L’acronyme J.A.R.D.I.N.E.R. nous rappelle quels types de répliques diminuent nos chances que l’autre se sente rejoint∙e :               

– Jugement, évaluation, étiquettes : « Tu es bien [adjectif] de… », « Les gens qui font ça sont », « C’est mal/bien de»

– Avis, conseil, trouver une solution : « Tu devrais… », « Je trouve que tu… », « Pourquoi n’essaies-tu pas de… ».        
Rosenberg dit « ne donnez jamais de conseil à quelqu’un∙e, sans avoir auparavant reçu une autorisation signée par trois de ses avocat∙es »…

Une façon de se rappeler qu’un conseil a trèèès peu de chance d’être au service du besoin exprimé par notre interlocuteur∙interlocutrice. Je crois que si j’ai encore une et une seule habitude à perdre (/à déconditionner), c’est bien celle-ci. Essayons d’attendre jusqu’au moment où l’autre personne nous renvoie clairement un « Tu en penses quoi toi ? Tu ferais quoi à ma place ? » avant de conseiller qui que ce soit sur quoi que ce soit.

– Reproche : « Tu n’aurais pas dû… », « A ta place je n’aurais jamais fait ça… »

– Dramatiser ou dé-dramatiser : « C’est vraiment terrible ce qui t’arrive… c’est une horreur… »/ « C’est pas si grave, tu sais…» 

– Interprétation, Impression, Croyance : « Il semble que cette personne fait miroir à ton comportement personnel », « J’ai l’impression que tu le prends pour ton père », « Je pense que tu… »
–  Investigation : « Pourquoi … ?» « Qu’est-ce qui fait que tu… ? »

– Narration, histoire personnelle, anecdote : « C’est comme moi, ça m’arrive tout le temps ce que tu racontes ! », « Ça me rappelle la fois où j’ai… »

– Empathie à un tiers : càd lorsque je me mets en empathie avec la personne qui est le stimulus pour la personne qui traverse la situation « tu sais, je comprends bien pourquoi il fait ça, on dirait qu’il se sent triste parce qu’il a besoin … »               
– Rassurer, consoler : « Ça va aller tu sais… », « Tiens bons, c’est une étape… », « Je t’envoie plein de bonnes ondes… »

Au lieu de J.A.R.D.I.N.E.R, mettons-nous à l’écoute des besoins qui sont cachés derrière les mots et observons la différence dans la qualité de relation qui se crée ! (J’ai trouvé cet proposition d’acronyme sur le site www.blog-cnv.com/blog/jardiner que je reproduis in extenso).

Vers l’empathie

Ecouter sans commenter ne suffit bien évidemment pas, mais c’est un premier pas vers l’écoute en présence, vers l’empathie. L’empathie en CNV c’est « prendre la mesure de l’intensité de ce que l’autre est en train de vivre » (que ce soit de la joie, de la tristesse, etc.). Il ne s’agit pas d’être en résonnance et d’être triste quand l’autre est triste par exemple. Il n’est pas non plus question d’être d’accord mais de percevoir l’intensité de ce que l’autre personne traverse.

J’ai cru comprendre qu’être en empathie profonde nécessite du temps, de l’entraînement et du travail sur soi, je pourrais peut-être revenir plus longuement sur l’empathie dans un autre mémo.

Quand je cherche à écouter en présence, la première étape est toujours : quelle est mon intention ?             
Est-ce que je cherche à aider l’autre pour qu’il∙elle∙iel trouve rapidement une solution ? Est-ce que je lui en veux ? Est-ce que je pense avoir des conseils à lui donner ? Est-ce que je suis moi-même touché∙e par la situation, ému∙e ? (dans ce cas, j’ai d’abord besoin de temps pour moi, d’auto-empathie !) Ou suis-je disponible et je ne souhaite qu’offrir ma présence pour que l’autre, s’iel est consentant∙e, s’y dépose ?

Quand l’autre personne a fini de parler, qu’elle a été entendue, il est alors possible de lui demander : comment puis-je contribuer ? Est-ce que tu aurais une demande à me faire ?

Des demandes claires

Formuler des demandes claires et en lien avec nos besoins profonds nécessite aussi un entraînement complet. Je reviens plus longuement sur ce sujet dans un autre mémo.

Pour rappel, une demande en CNV est de demander quelque chose à une personne sans la manipuler ni la contraindre ni la culpabiliser. Elle a les caractéristiques suivantes : elle est réalisable, concrète, précise, et formulée positivement si possible dans l’instant présent, adressée à une ou des personnes en particulier (moi inclus∙e).

(Licence CC0 Public Domain)

« Qu’est-ce qui pourrait me rendre la vie plus belle, là, maintenant ? » Cela peut-être une parole, une action.                

C’est le moment aussi de se reposer la question de l’intention : pour quelle raison aimerais-je que l’autre fasse/dise ce que je lui demande ? Suis-je toujours en train de privilégier la relation ou bien le résultat ?              
Ce ne sont pas les mots qui différencient la demande de l’exigence mais la manière dont je réagirai face au refus. Si c’est une demande, je pourrai entendre que l‘autre y réponde « non » parce que je postule que l’autre a aussi des besoins, alors je pourrai me donner de l’empathie ou nous pourrions chercher une autre solution créative, ajustée pour tous∙tes les deux !
Pour plus d’infos sur les demandes en CNV, voir mon article ici.

Auto-empathie et douceur 

Rappelez-vous que c’est ok que la CNV ne vienne pas tout de suite, notamment à « chaud » même si ça a l’air simple. Je cite ce passage de Padovani : « Ce processus est tout simple. Allumer du feu est simple mais ce n’est pas facile. C’est simple car ce n’est pas compliqué, mais ce n’est pas facile car cela demande un certain savoir faire et une certaine compréhension de ce dont il s’agit. » Alors n’oubliez pas de vous donner de l’empathie à vous-même, d’avoir de la douceur si jamais votre chacal intérieur prend la place et demande de l’attention !

Pour conclure, enfin, Rosenberg insiste : « La langue girafe n’est pas une langue, elle n’est pas une affaire de mots ; c’est une attitude qui nous permet de rejoindre un flot d’énergie à partir duquel il est possible de donner du plus profond de son cœur. » Pour moi, le plus important n’est pas le langage utilisé mais bien plutôt le changement de conscience qui précède le choix des mots.       


Ci dessous le PDF qui reprend ce texte en version imprimable (cahier) : Memo_Jecoute-seulement_cahier.pdf

Premiers pas pour une Communication Nonviolente (CNV)

Ce texte a pour intention de multiplier les supports qui diffusent des infos autour de la Communication Nonviolente (CNV). Je reviendrai sur les étapes du processus et surtout sur l’intention qui sous-tend la CNV.
Ces lignes viennent d’habitude après et en complément des ateliers de découverte-expérimentation à la Communication Nonviolente (CNV) que je donne. Parce que de mon expérience, la pratique de la CNV ainsi que l’expérience voire l’engagement du corps sont irremplaçables et très précieuses dans l’intégration de cette philosophie. Pour autant, j’ai eu envie de contribuer à la diffusion de cette vision du monde.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

L’intention, l’intention

Marshall B. Rosenberg (1934 – 2015) est le fondateur du processus de la Communication Nonviolente (ou CNV) dans les années 60 – 70. S’il s’est inspiré de Gandhi et de Krisnamurti, je trouve que le concept de Nonviolence selon Rosenberg est spécifique.

Pour moi, la Communication Nonviolente est d’abord une philosophie, une énergie, une attitude, une posture holistique qui dépasse de loin la parole. De là peuvent ensuite découler un ensemble d’outils, de « trucs », de concepts, parfois langagiers.

La CNV est une démarche fondée sur la prise de conscience de ce qui facilite ou entrave le dialogue & la qualité de relation. Marshall disait : « la CNV est avant tout une intention, celle de créer une certaine qualité de connexion envers soi et autrui qui permette à la compassion de se vivre dans le donner et le recevoir avec bienveillance. » C’est pour moi une posture qui prend d’abord soin du lien plutôt que du résultat, qui recherche la connexion avant la solution, qui cherche à prendre en compte les besoins fondamentaux de chacun∙e de manière harmonieuse, qui permet donc à chacun∙e d’augmenter ses chances de vivre ce qu’il ou elle souhaite le plus. En proposant d’aller vers un partage équitable des ressources (quelles qu’elles soient), je trouve que la CNV est au service d’une justice climatique et sociale globale, au service de tous les êtres vivants.

(Licence CC0 Public Domain)

Une fois que je me suis posé la question de mon intention, Rosenberg a proposé 4 étapes qui permettent de placer mon attention et de vérifier instant après instant si ce que je pense (et dis) reste au service de mon intention. Si mon intention est centrée sur l’envie d’être en lien, alors je peux m’appuyer sur les 4 composantes principales de ce qui est parfois appelé protocole ou processus CNV : l’O, S, B, D (Observation, Sentiment, Besoin, Demande).

 L’ordre de présentation de O, S et B est indifférent. Ce sont des étapes qui, je trouve, permettent de m’apaiser ; qui m’aident à transformer jugements, évaluations, reproches en connexion de cœur à cœur ; qui me soutiennent pour reprendre la responsabilité de ce qui me traverse.       
Cependant, il ne s’agit pas d’une manière de parler qu’il faudrait suivre à tout prix. Les concepts proposés sont des repères, des béquilles, et non pas des règles à suivre. D’ailleurs, l’OSBD n’est pas ce que je « sors » à l’autre, c’est vraiment mon décodeur intérieur, c’est ce qui permet de me clarifier moi, de gagner en conscience. « Parler en OSBD », de mon expérience, augmente le risque d’entraver la communication, que les personnes familiarisées ou non avec la CNV se sentent agacées ou mal à l’aise !

Je vais plutôt utiliser avec autrui les mots que je veux, les mots qui me viennent spontanément. Car, encore une fois, la CNV n’est pas une langue mais bien une posture, et l’OSBD un soutien au service de (comment j’incarne) mon intention.          


Girafe & Chacal

La CNV utilise la symbolique de deux animaux : la girafe et le chacal. Il n’y a pas de jugement de valeur dans le choix de ces animaux : ils sont tous les deux traversés par la vie, il n’y a pas un « meilleur » mode qu’un autre !      
Quand je suis en mode girafe, je porte mon attention sur les sentiments/besoins (les miens, ceux de l’autre). C’est l’animal qui utilise la CNV, l’empathie, la bienveillance, l’écoute, l’ouverture. Elle a un gros cœur, elle voit loin, elle a les oreilles tournées vers l’extérieur.

Quand je suis en mode chacal, je porte mon attention sur les pensées (les miennes, celles de l’autre). C’est l’animal qui utilise le langage habituel, conditionné, il va avoir recours à des jugements (positifs ou négatifs), des menaces, des accusations, il va chercher à avoir raison, etc. Pratiquer la CNV d’après moi permet de gagner en conscience : où me place-je en cet instant ? Suis-je en mode girafe ou mode chacal ? Je peux prendre le temps de goûter cela. Avant de découvrir la CNV, moi, je ne savais qu’il existe un mode autre que balancer mes jugements ! Je n’avais pas cette conscience là.    

(Licence CC0 Public Domain)

Également, être en posture CNV n’est pas un but en soi ! Il n’y a pas d’obligation à être en mode girafe tout le temps (je crois que cela n’est d’ailleurs humainement pas possible). J’ai plutôt observé que la pratique de la CNV me permet de traduire de plus en plus rapidement et de plus en plus souvent en mode girafe les jugements qui surgissent en mode chacal. Je ne crois pas que pratiquer la CNV fera disparaître les jugements qui me traversent et qui m’arrivent !

Attention, opter pour la CNV ne veut pas dire être toujours sympa, tout accepter, mettre des choses sous le tapis, s’oublier et devenir « une gentille personne morte », selon l’expression de Rosenberg. Pour moi, la Nonviolence de la CNV se goûte dans l’authenticité (envers moi, envers l’autre) et la danse. La CNV m’invite à goûter ce qui me traverse, être en bienveillance avec moi et si je le souhaite, si je le peux, rester en lien, en connexion, à l’écoute de l’autre. Pour cela, je peux m’aider de l’O, S, B, D !

Observation

Avant de me prendre le temps à déplier le processus CNV, je me redemande : quelle est mon intention ? Si je suis en mode girafe, je peux placer mon attention sur la première étape du processus : l’Observation.

Une observation en CNV, c’est quand je formule ce que je vois ou entends de manière factuelle. Une caméra pourrait décrire la scène. Issâ Padovani, formateur certifié en CNV, parle de dérouler le film « sans les sous-titres, sans les commentaires des personnes qui le visionnent.»

Pour moi, plus j’écoute mes chacals mais sans m’identifier à eux plus je peux apaiser mes pensées donc m’apaiser, garder du recul/ relativiser sur l’évènement et aussi poser une base commune à partir de laquelle le dialogue peut continuer.  Marshall dit : « Dès qu’un∙e interlocuteur∙trice entend une critique, le différend le plus simple devient impossible à résoudre. » La communication se coupe. Une fois cette base factuelle posée, je peux alors descendre vers ce qui est vivant en moi : mes sentiments et mes besoins !

Mais alors ! Comment vérifier que je suis dans l’observation ? Pour rester factuel∙le :

L’observation est à différencier de qu’on pourrait appeler le théâtre mental, qui englobe jugements, reproches, défoulement des pensées, analyses, interprétations, croyances, opinions, projections (même inconscientes), etc. Dans le théâtre mental se jouent aussi des choses qui dépendent de mon vécu, de mon filtre perso, de mes blessures, de ma culture. Au final c’est l’ensemble des trucs que je me raconte, que je me dis… ce sont mes hurlements du mode chacal !

Une personne en mode super-chacal-extrêmement-mal-luné, suite à une observation, ne pourrait répondre que : « Oui et alors ? ».

  • Je peux me demander : est-ce que la personne la plus différente de moi au monde verrait ou dirait la même chose ?
  • J’évite tous les adjectifs qui sont des jugements : « joli∙e, moche, gentil∙le, méchant∙e »  
  • J’évite les généralisations : « toujours, tout le temps, jamais »
  • J’évite les mots connotés : « tu traines les pieds »
  • Je fais appel à des références extérieures, un chiffre précis, un élément mesurable : « elle mesure 2m65 » plutôt que « elle est grande »
  • J’évite toute comparaison entre deux personnes, pour rester dans une intention de dialogue plutôt que de compétition (qui est le/la meilleur-e)
  • Enfin, je prends la responsabilité de mes jugements avec : « je trouve que… », « je me dis que… », « j’ai l’impression que… », etc.

A chaud, surtout si l’émotion très est forte, j’ai observé que les jugements sortent en premier !  C’est ok, même humain je crois. Je peux attendre un moment plus à froid et revenir à ma boussole : quelle est mon intention (être en lien, exprimer ma limite, essayer d’avoir raison) ? J’ajuste mon observation en fonction. Je n’ai pas besoin d’être parfait∙e ni de TOUT décrire. Surtout, je n’essaye pas de mettre « du miel sur ma bouche » et de faire une observation si ce n’est pas intimement ce que je pense !

Sentiments et sensations physiques

Les sentiments sont comme les voyants d’un tableau de bord de voiture : ils me signalent juste que quelque chose est vivant en moi. C’est une information précieuse ! Aurais-je l’idée de mettre un autocollant sur mon tableau de bord auto pour camoufler le voyant ?       
Un sentiment n’est donc ni bon ni mauvais (bien qu’il puisse être agréable ou désagréable à éprouver) : il signale un besoin satisfait ou insatisfait.

En CNV, je porte attention à différencier les sentiments des évaluations masquées, des pensées, et des interprétations.

  • Si je dis je suis nul∙le, bête, médiocre je ne parle pas vraiment de ce que j’éprouve mais bien de ce que je crois de moi ! (théâtre mental)
  • Des mots tels que accusé, jugée, acculé, harcelée, contrainte, coincé, invisible, niée, dupée, manipulé sont des évaluations masquées. A ce moment, je laisse à l’autre du pouvoir sur moi, j’oublie alors qu’autrui n’est jamais la cause de ce que je ressens, seulement ce qui déclenche, le stimulus !
(Licence Diane Barran)

Qu’est-ce que j’ai éprouvé à ce moment ? Qu’est-ce que je ressens maintenant ? Qu’est-ce qui est maintenant vivant en moi ? Je peux me demander si des sensations physiques sont présentes.        
Exemple : je me sens seul∙e, navré∙e, frustré∙e et j’ai mal au ventre, les mâchoires serrées.       
En CNV, je prends la pleine responsabilité de mon sentiment, il m’appartient, je l’exprime au « je » : je me sens agacé∙e plutôt que tu m’agaces. « J’ai le sentiment que » est un faux-ami ! C’est une pensée qui relève du théâtre mental. Je suis retourné∙e dans ma tête.

Cette différenciation permet, d’après mon expérience, de gagner en empuissantement (Issâ Padovani parle de « reprendre la télécommande de ses émotions & de sa vie ») puisque je ne dépends plus de l’autre. Cette attention permet au dialogue de se poursuivre, de me relier plus facilement (même si je suis en mode super-chacal) à ce que l’autre vit, voire d’ouvrir un espace d’écoute qui serait davantage de cœur à cœur.

Enfin, de mon observation, plus je passe par le corps, par le cœur et plus je quitte la tête, plus il m’est possible de ressentir l’émotion qui m’habite encore, l’accueillir, la traverser, et qu’elle s’apaise enfin.

 Ce sont des repères encore une fois, pas des absolus à atteindre, encore moins « à chaud ». Et aussi, si je trouve sincèrement que j’ai été abandonnée ou trahi, je ne cherche pas à remplacer cela par des « mots CNV ».

Besoins

Les besoins en CNV sont indépendants de tout contexte. Un besoin n’est jamais quelque chose que l’on peut faire, ni quelque chose que l’on peut prendre ou toucher. Il n’est pas PALMO, càd il n’est attaché ni à une Personne, ni à une Action, ni à un Lieu, ni à un Moment, ni à un Objet particulier. Un besoin est universel, partagé entre tous les humains. N’importe qui peut s’y relier.   
Ils sont l’énergie vitale qui nous mobilise pour agir vers ce qui va nous faire croître. Les besoins sont des manifestations de la vie. Rosenberg les considère comme des cadeaux beaux et précieux !

La croyance en CNV c’est qu’il y a un nombre infini de manières de les satisfaire. Rosenberg appelle stratégies les actions que l’on met en œuvre pour les nourrir. S’il peut y avoir des conflits entre les stratégies mises en place, il n’y a jamais conflit au niveau des besoins puisqu’en CNV mes besoins et ceux de l’autre sont tout aussi importants.

(Licence Diane Barran)

Attention, si je dis « j’ai besoin que » : je cours vers une stratégie plutôt qu’un besoin au sens CNV.

  • J’ai besoin que tu ranges ta chambre > Besoin d’ordre, d’harmonie
  • J’ai besoin de boire une citronnade > Besoin d’hydratation, de détente
  • J’ai besoin de ce travail et d’argent > Besoin de sécurité, de sens

Derrière une stratégie, plusieurs besoins peuvent cohabiter, certains nourris et d’autres non.              

Le plus j’accède et me connecte à mes besoins, plus je trouve que je peux me débrancher de la stratégie initiale, je peux repartir sur une autre stratégie, je gagne en liberté, en abondance. J’observe que j’attends beaucoup moins que l’autre change (ah ! s’il ou si elle ou iel changeait… J ), je m’empuissante.

« Le chacal se répète en boucle tant qu’il n’est pas entendu. » Mon observation c’est que reconnaître un besoin peut permettre de l’apaiser et ne nécessite parfois plus la mise en place d’une stratégie. Franchement, ça été une révélation pour moi !

Demandes

Tout comme mon sentiment est en lien avec mon besoin, la demande en CNV surgit en lien avec un de mes besoins (nourri ou non). Encore une fois se pose la question de l’intention : pour quelle raison aimerais-je que l’autre fasse/dise ce que je lui demande ? Suis-je toujours en train de privilégier la relation ou bien le résultat ?               

La demande CNV n’est souvent qu’un prétexte pour ouvrir le dialogue. Et c’est en cela qu’elle peut être, d’après moi, déstabilisante par rapport à une requête effectuée depuis le mode chacal, car en mode girafe, la porte reste ouverte au refus de l’autre, je me fiche du résultat.  Ma demande est un « s’il te plaît. »

Sinon, je suis dans l’exigence ! Un refus génèrera alors chez moi un sentiment désagréable (peur, colère, frustration, tristesse) ; j’aurais envie d’adresser des reproches (à l’autre, à moi). L’autre personne face à mon exigence risque d’être dans la révolte ou la soumission mais pas l’adhésion !  

La dernière étape du processus CNV présente deux catégories : les demandes de connexion et les demandes d’actions.                
Les demandes de connexion permettent 1) de vérifier que c’est le « bon moment » pour entrer en relation avec l’autre personne (pour moi, pour elle) 2) puis d’avoir un retour sur ce que la personne en a retenu 3) et enfin de savoir ce qu’elle ressent après m’avoir entendu∙e.

Une demande d’action en CNV a les caractéristiques suivantes : elle est réalisable, concrète, précise, et formulée positivement si possible dans l’instant présent, adressée à une ou des personnes en particulier (moi inclus∙e). « Qu’est-ce qui pourrait me rendre la vie plus belle, là, maintenant ? » Une parole ? Une action ? … mais toujours en lien avec mes besoins.

  • J’ai froid ! > (besoin de confort) Est-ce que Michel tu serais ok pour fermer la fenêtre derrière toi stp, j’ai froid ?
  • J’ai la peste ou quoi ? > (besoin de tendresse) Pourrais-tu me prendre 5 minutes dans tes bras, si tu veux bien ?
  • On se rappelle ! > (besoin de partage) Lundi prochain à 15h tu serais dispo pour un appel par tel d’une heure ? C’est moi qui appelle.
(Licence CC0 Public Domain)

Pour plus de détails sur les demandes, un article ici.

Auto-empathie

De mon observation, la CNV « vient » rarement à « chaud », surtout au début, elle s’intègre avec de la pratique, avec du temps ! Pensez à combien de temps d’ailleurs vous avez été baigné∙e dans le monde habituel, l’univers « chacal. » Alors n’oubliez pas de vous donner de l’empathie à vous-même, d’avoir de la douceur si jamais vous passez parfois en mode chacal ! De nouveau, enfin, Rosenberg dit : « La langue girafe n’est pas une langue, elle n’est pas une affaire de mots ; c’est une attitude qui nous permet de rejoindre un flot d’énergie à partir duquel il est possible de donner du plus profond de son cœur. Cela a relativement peu de choses à voir avec les mots, c’est universel et s’applique à toutes les cultures. » Pour moi, le plus important n’est pas le langage utilisé mais plutôt le changement de conscience qui précède le choix des mots.

Ressources

LIVRES 
Rosenberg Marshall, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2005 (édition 2015), 260 p.          
Rosenberg Marshall (Mini-Livre) : Clés pour un monde meilleur, CNV et changement social.
Achard Nathalie, La communication non violente à l’usage de celles et ceux qui veulent changer le monde, Marabout, 2020, 208 p. Il reprend les bases de la CNV avec une approche associative
Art-Mella (Bande Dessinée) : Émotions Enquête et mode d’emploi – Tome 1, 2,3.

SITES
Les dessins sont issus du blog dessiné de Léti Gribouille : cnv-apprentiegirafe.blogspot.com
Les sites d’Issâ Padovani : club-cnv.com  pour la partie CNV, club-communification.com pour un aspect plus spirituel et ésotérique.

VIDEOS
Les conférences de Marshall Rosenberg https://www.youtube.com/watch?v=bIjRxdN-kL8 ou https://www.youtube.com/watch?v=53_qlO_8qqo
Marshall Rosenberg : Atelier d’introduction à la CNV (47min)
Partager c’est sympa : https://youtu.be/4S9yQh2yc98 « 5 trucs pour être heureux |CNV » (7min)
Issâ Padovani : « Pourquoi est ce que je ferais de la communication non violente ? je ne suis pas violent moi ! » (13min) ou audio soundcloud.com/issapadovani.
Thomas d’Ansembourg : Cessez d’être gentils soyez vrais (1h40, reprend en grande partie le livre Cessez d’être gentils soyez vrais)

PRATIQUER
Site officiel : www.cnvformations.fr répertorie les formations dispensées par des personnes certifiées.
Autres stages : il est aussi possible de se former via des ateliers (initiation ou perfectionnement) animés par des personnes non certifiées ou en cours de certification. Ces personnes utilisent généralement des termes comme « communication bienveillante »,  « stage basé sur la Communication Nonviolente », etc.
Groupes de pratique : pour une pratique plus régulière, il est possible de rejoindre un groupe de pratique (mensuel, bi-mensuel, etc.). Certains sont payants, d’autres demandent une participation aux frais, d’autres pas. La liste officielle des groupes de pratiques : fr.nvcwiki.com/index.php/Liste_des_groupes_de_pratique/France et cnvfrance.fr/carte-groupes-de-pratique-cnv/. D’après moi [Noa], il est toujours possible de monter son propre groupe de pratique avec un ensemble de personnes motivées et de trouver des « exercices » sur internet ou dans le Manuel de Lucy Leu (voir juste en dessous).     >>Si ça vous intéresse, on peut s’en recauser, c’est comme ça que je me suis principalement formé∙e !
Manuel d’exercice et de pratique : Leu Lucy, Manuel de communication non violente : exercices individuels et collectifs, La Découverte, 2005, 204 p.  
Réseaux sociaux : il existe des groupes de pratiques en ligne tels que celui-ci d’Issâ Padovani (c’est sur Facebook!) ; FB CNV Île-de-France ; FB – Les Petits Elèves Girafes… il en existe d’autres, autogérés, pas forcément sur FB. A chercher ! 

(Licence CC0 Public Domain)

ALLER PLUS LOIN ?
Voici, d’autres pistes encore pour faire se croiser la CNV, la lutte contre les oppressions systémiques et le changement sociétal et climatique que je désire voir advenir :
Achard Nathalie, Mon privilège, ton oppression, Époque Épique, 2021, 262 p.
Kashtan Miki : thefearlessheart.org. Depuis 2014, elle offre des coups de fils qu’elle enregistre pour qu’ils soient ensuite gratuitement accessibles à toustes sur des thèmes tels que : Faire face aux Privilèges : Activisme Nonviolent pour la Libération : Interroger l’Argent ; Dépasser le patriarcat ; etc.
Starhawk : Rêver l’obscur ou encore Chroniques altermondialistes, dont vous trouverez un extrait en français ici : www.terrestres.org/2019/11/22/au-dela-de-la-violence-et-de-la-non-violence/ 
Macy Joanna : Association Le Travail qui relie (works that reconnects) ; association les Roseaux dansants. Livre : Écopsychologie pratique et rituels pour la terre : revenir à la vie.
Article sur la colère (en anglais) : https://baynvc.org/reclaiming-anger/

Cette liste est non exhaustive, si vous pensez qu’il manque une référence pertinente, s’il vous plaît, indiquez-le moi ! 


Ci-dessous le PDF qui reprend ce texte en version imprimable (cahier).

« Je dois, il faut » : me libérer de mes conditionnements

Ce texte a pour intention de présenter en quoi et comment la Communication Nonviolente (CNV), peut nous libérer des pensées aliénantes afin de retrouver joie, estime de soi, liberté de choix et responsabilité empuissantante.
C’est un extrait du support que je distribue en fin d’atelier sur les conditionnements.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Les pensées aliénantes 

Comment puis-je le plus souvent possible être traversé∙e par la joie de donner et de recevoir du fond du cœur, y compris lorsque moi ou autrui fait quelque chose qui ne satisfait pas certains de mes besoins ou de mes aspirations ?               
La pratique de la CNV permet que chacun∙e puisse se relier à soi et aux autres en gardant (le plus possible) le cœur ouvert.  A l’inverse, les pensées figées, aliénantes ou « coupées de la vie » nous privent de notre énergie naturelle et peuvent entrainer culpabilisation, honte, dénigrement, haine de soi, etc. Nous allons donc les passer en revue et voir ensuite comment elles peuvent être transformées au prisme de la CNV !

Les pensées aliénantes se déploient de différentes façons :  
– Les jugements moralisateurs (analyse, critique, diagnostic, jugement, reproche, étiquette).
Par exemple : « Je suis pas bon∙ne en anglais » ; « Les personnes à lunettes sont des matheuses∙eux » ; « Tu rates toujours ta tarte au citron » ; « Tu n’es pas venu me rendre visite, alors que je me morfonds à l’hôpital » ; « Tu es fatiguant∙e » ; «  Ça se comprend, tu as vu ton comportement avec elle ! ».

– Les comparaisons, qui sont des jugements cachés. Comparer participe à une mentalité compétitive donc avec des perdant∙es et des gagnant∙es, cela nie aussi d’après moi la différence et la diversité.
Par exemple : « Ta sœur a toujours été plus gentille que toi » ; « Bah c’est déjà mieux qu’il y a deux semaines » ; « Tu sais j’ai connu pire (quand j’étais à la guerre…) ».

–  La formulation d’exigences et non pas de demandes.
Celles-ci font planer sur le∙la destinataire la menace d’un reproche, d’une critique, d’une accusation ou d’une punition s’il∙elle ne se conforme pas à ce qui lui est demandé !  L’exigence ne peut pas entendre un « non ».
Lorsque je formule une exigence, je me focalise sur le résultat que je veux obtenir.
Par exemple : « Je suis triste de te voir dans cet état » ; « Aies de bonnes notes ou tu peux dire adieu à la console » ; « Viens on sort ce soir, j’en ai tellement besoin, je t’attends » ; « C’est pas compliqué de réparer un évier ! ».
Pour plus de détails sur les demandes, un article ici.

Pour rappel, Marshall disait « nous ne pouvons jamais forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit » (enfin… si l’on cherche à rester dans l’intention de la CNV ! ^-^).

– Enfin, le déni ou le refus de responsabilité : toutes les fois où nous repoussons la faute sur un facteur externe qui nous semble être indépendant de notre volonté.

Je vais m’arrêter un peu sur ce point là car prendre conscience de ses responsabilités est pour moi un outil incroyablement puissant pour entamer un changement intérieur puis social. 

Dans les Mots sont des fenêtres (voir Ressources), Rosenberg explique que « nous nions la responsabilité de nos actions, pensées, émotions, etc. dès lors que nous attribuons leurs causes :

  • à des forces impersonnelles et vagues : “j’ai nettoyé ma chambre parce que je devais le faire” ;
  • à notre condition, notre diagnostic personnel ou notre histoire psychologique : “Je bois parce que je suis un∙e alcoolique” ;
  • aux actions des autres : “j’ai frappé mon enfant parce qu’il∙elle tentait de traverser la rue”
  • à la dictature de l’autorité : “j’ai menti à mon client parce que ma patronne m’a ordonné de le faire” ;
  • à la pression sociale ou celle des autres : “j’ai commencé à fumer parce que tou∙tes mes ami∙es en faisaient autant” ;
  • aux règlements institutionnels et leurs régulations : “je dois vous virer pour cette infraction car c’est le règlement de l’école” ;
  • aux rôles sociaux : “je déteste aller au travail, mais je le fais car j’ai une famille à nourrir” ;
  • aux impulsions incontrôlables : “c’est plus fort que moi, je suis possédé par mon envie de manger du gâteau au chocolat” ; »
(Licence CC0 Public Domain)
Parfois j’vois les conditionnements sociaux comme autant de cadenas qui me limitent

Il est possible d’exprimer ce qui nous traverse autrement ! Voyons dans les paragraphes suivants quelques pistes…
J’aimerais préciser qu’ici, il ne s’agit pas pour moi de simplement jouer sur les mots ou la tournure des phrases, mais bien de vous proposer de sentir comment la CNV peut faire changer de paradigme et déplacer le cadre de notre pensée habituelle. La CNV n’est pas une manière de dire, mais une manière de vivre, d’après moi.

Transformer ses jugements

Avez-vous déjà fait l’observation suivante : les jugements (envers vous-même ou envers quelqu’un×e) apparaissent dès lors que nous percevons un écart entre ce qui est et ce à quoi nous aspirons ?

Issâ Padovani (voir Ressources) avance que plus il y a un décalage entre ce qui est et ce que vous désirez, plus le jugement sera sévère.

La CNV est un processus de déconditionnement de la pensée qui permet de sortir du monde du jugement.  
Pour clarifier nos pensées, Rosenberg a travaillé sur un processus langagier : l’O,S,B,D (voir Les mots sont des fenêtres dans Ressources). Ce processus est un repère au service de notre apaisement intérieur. Je vous invite donc à reprendre l’O,S,B,D comme un étai pour retrouver plus de paix/clarté face à une situation. La première étape à savoir l’observation (dénuée d’évaluation) permet de mettre à l’épreuve de la réalité l’interprétation que nous pouvons avoir de la situation.

Si toutefois, vous remarquez que vous tenez à votre interprétation, il est possible de signifier à l’autre personne que vous êtes dans l’interprétation. Par exemple : « Quand tu fais ça, on dirait que tu le fais exprès pour m’embêter » deviendrait : « Quand tu fais ça, je l’interprète comme si tu le faisais exprès pour m’embêter ».

Ne vous jugez pas d’être traversé par des jugements. Simplement quand un jugement vous traverse, vous pouvez choisir de le traduire avec l’aide des quatre étapes du processus CNV.

Dé-comparer ?

Pour changer de vision sur la comparaison, il est possible de se demander : « quelles qualités ya t’il chez l’autre personne qui m’inspirent ? ».  Puis : « quel est le plus petit pas possible que je peux mettre en place pour avancer vers ce que cette personne m’inspire ? ».              
Je trouve que cette façon de voir les choses adoucit le discours sur nous-mêmes.

Par exemple : « Je me sens minable quand je pense à Beyoncé » devient « Quand je vois Beyoncé, je me dis woow ! Quelle superbe façon de danser ». Stratégie possible : « Je vais regarder des tutos en ligne pour me sentir plus à l’aise ».

Pour le dire de façon plus CNV : le cheminement, quelque part, est de chercher quels sont les besoins non nourris dans cette comparaison afin de retrouver la stratégie la plus joyeuse et la plus créative possible.  

(Licence CC0 Public Domain)
Dans cette image, ya t’il une chaussure « meilleure » ou « plus utile » que l’autre?

Sortir de l’exigence

Avant de faire une « demande » à autrui, il est possible de prendre quelques instants et de se reposer la question de mon intention.

Par exemple : « Depuis quel élan j’aimerais que l’autre fasse ce que je lui demande ? ».

– Est-ce que je veux un résultat ? (exigence)     
– Est-ce que je souhaite trouver comment faire pour que toutes les personnes concernées dans l’histoire aient leurs besoins nourris ? (demande)
– Ou pour le moment je souhaite simplement prendre soin de mon besoin à moi ? (demande à moi, demande d’auto-empathie)

Quand je suis en exigence, j’ai très peu de chances d’être satisfait∙e, car mes options sont réduites à une seule stratégie !  Voir l’article : Dire non et prendre soin de la relation.             

La CNV invite à prendre le temps de me tourner vers mon besoin. Quand celui-ci sera nommé, reconnu, j’ai observé qu’il est plus facile de renouer avec ce que j’ai envie de vivre et à, partir de là, d’explorer d’autres possibilités créatives (« stratégies ») pour le nourrir. Aussi, quand je nomme clairement mon besoin, je peux voir plus facilement qu’il n’y a pas une, mais plusieurs stratégies possibles pour le nourrir.

Retrouver le choix

La CNV nous encourage à utiliser un langage qui reconnaît le choix. Nous pouvons remplacer des tournures qui impliquent le déni de responsabilité par un langage qui reconnaît l’importance cruciale du choix. Par exemple : « Je dois donner des notes, parce que c’est le règlement de l’école » devient « Je choisis de donner des notes aux élèves parce que je veux garder mon poste ».     

Nous nourrissons certains de nos besoins quand nous effectuons un choix. J’ai pu constater que les auto-injonctions telles que les « je dois » sont liées au fait qu’au même moment d’autres besoins ne sont pas nourris en nous.

Dans l’exemple ci-dessus, le besoin pourrait-être “Je veux garder mon poste car… j’ai besoin de sécurité » mais au même moment mes besoins de douceur et de coopération avec les élèves à qui je mets des notes ne sont peut-être pas tous à fait comblés.

Par ailleurs, si vous avez déjà lu des listes de sentiments vous avez peut-être pu constater que certains engagent notre responsabilité (tristesse, colère, frustration, joie, etc.) alors que d’autres laissent le pouvoir à autrui (comme : je me sens rejeté∙e, ignoré∙e, abandonné∙e… sous entendu « par toi ou par autrui »).
La CNV invite à se relier aux sentiments qui permettent de prendre pleinement la responsabilité de nos ressentis, émotions, et sensations physiques et nous encourage à prendre conscience que les autres personnes, l’extérieur ne sont que les stimuli et non pas la cause de ce que nous traversons.

En cela, la CNV améliore l’estime de soi puisqu’elle nous propose de prendre soin de nos ressentis en les accueillant, en cessant d’en avoir honte ou de les considérer comme des futilités. Ce chemin permet de retrouver plus de puissance personnelle (empuissantement).

Rosenberg propose d’ailleurs de ne plus rien faire si ce n’est par choix et par envie, par jeu et par intégrité !

(Licence CC0 Public Domain)

Auto-empathie et douceur 

Rappelez-vous que c’est ok que la CNV ne vienne pas tout de suite, notamment à « chaud »  même si ça a l’air simple. Je cite ce passage de Padovani, formateur certifié en CNV : « Ce processus est tout simple. Quelle est la différence entre simple et facile ? Allumer du feu est simple mais ce n’est pas facile. C’est simple car ce n’est pas compliqué, mais ce n’est pas facile car cela demande un certain savoir faire et une certaine compréhension de ce dont il s’agit. » Alors n’oubliez pas de vous donner de l’empathie à vous-même, d’avoir de la douceur si jamais votre chacal intérieur prend la place et demande de l’attention !                

Pour conclure, enfin, Rosenberg insiste : « La langue girafe n’est pas une langue, elle n’est pas une affaire de mots ; c’est une attitude qui nous permet de rejoindre un flot d’énergie à partir duquel il est possible de donner du plus profond de son cœur. »


Ci-dessous le PDF qui reprend ce texte en version imprimable (cahier).

Dire non avec sincérité et rester en lien

Ce texte a pour intention de présenter comment, en s’appuyant sur la Communication Nonviolente (CNV), il est possible de dire non, de façon ancrée, sincère et en prenant soin de la relation. Également, il s’attache à donner quelques pistes pour recevoir un non et ne pas le prendre comme un rejet, ne pas le prendre personnellement.
C’est un extrait du support que je distribue en fin d’atelier sur le « non ».

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa


De la difficulté à dire non 

En regardant le comportement des plus jeunes, je me suis aperçu que dès le plus jeune âge, iels n’hésitent pas à dire « non » lorsqu’iels ne veulent pas de quelque chose. Iels ne se justifient pas ; iels ne se sentent pas en faute.
La capacité d’une personne à dire non est d’abord conditionnée par les limites établies par son éducation et son expérience. Les personnes sociabilisées ou identifiées comme « femmes », de mon observation, sont socialement moins encouragées à poser leurs limites.

Il est aussi possible d’éprouver de la difficulté à opposer un refus à une demande parce que nous avons peur de peiner l’autre, de blesser, de décevoir, de déclencher un conflit ou des explications à rallonge, nous nous demandons ce que l’autre peut en penser. Peut-être que dans l’éducation occidentale, il y a confusion entre personne et demande : je crois que si je dis non à une demande, la personne va croire que je ne l’aime plus ! A l’inverse, la peur de perdre l’amour de l’autre (ou de ce qu’il∙elle∙iel représente inconsciemment) peut être aussi un obstacle à surmonter.

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)

Dire non, c’est donc se confronter à ses peurs. Quand on est transi∙e de peurs à l’idée de dire ce que l’on pense ou l’on ressent, Marshall appelle cela se transformer en « une gentille personne morte, souriante et polie, mais morte à l’intérieur ».
Également, quand je dis « oui » alors que je pense « non », j’ai pu noter que soit je fais les choses avec moins d’entrain, soit en râlant/traînant des pieds, soit finalement je ne les fais pas. Mon énergie est beaucoup moins au service de la vie, elle me « coûte » plus ! 

Or, la CNV invite à l’expression authentique, à prendre soin de nos besoins tout en essayant de prendre en compte ceux des autres. L’expression authentique de soi consiste à mettre des mots sur ce qui se passe à l’intérieur de nous et « il n’y a pas de OUI authentique sans la possibilité de dire NON ».

Premiers pas : clarification

Exemple : Mon pote Robert me propose d’aller boire un verre demain soir.

(1) Je prends d’abord le temps pour me reposer la question de mon intention : est-ce que la relation est précieuse pour moi ? Ai-je envie de trouver un terrain commun qui puisse nourrir au mieux les besoins de toutes les parties en présence ?               
Si oui, je passe au (2). Si non, pas besoin de faire de la CNV ! Je peux dire non tout simplement (voir plus bas).
Exemple : Oui ! J’aime bien mon pote Robert !

(2) Je prends le temps de voir comment je me sens face à la proposition : est-ce que j’ai un super élan pour y répondre (dire « oui ») ou est-ce que je me sens partagé∙e (je pense « peut-être » ou je pense « non » mais je n’ose pas) ?
Exemple : Ben là j’aimerais bien… mais chuis tellement naze !  Mais bon, c’est mon copain Bébert, je ne peux pas lui dire non ? si ?! [Je me sens partagé∙e et fatigué∙e]

(3) Ensuite, je peux me demander quels sont mes besoins en présence : ceux qui seraient nourris (ou pas) par mon oui, ceux qui seraient nourris (ou pas) par mon non ? Également, je peux réfléchir à quels besoins sous-tendent la demande de l’autre personne.           
Comme le Yin et le Yang, le “non” n’est pas dissociable du “oui”, il s’agit d’une autre facette d’une même chose. Dire “non” à quelque chose, c’est dire “oui” à une autre, surtout en termes de besoin.  Exemple : Si je dis oui pour aller boire un verre demain, je dis non à mon besoin de repos (et vice versa !).        

(4) La CNV me permet de distinguer besoins et solutions, alors je si je dis « non » à la demande, je ne dis pas « non » à la personne ! Issâ Padovani dit d’ailleurs « je dis non à ta demande mais oui à ton besoin ».
C’est la raison pour laquelle apprendre à dire « non » relève bel et bien de l’affirmation de soi et non pas de la négation de l’autre.
J’insiste : je dis « non » à ta demande, mais je dis « oui » à toi, en tant que personne, je reconnais donc que tu as des besoins. Ça change tout !

Développer de la clarté sur mes besoins (voire, ceux de l’autre) me permet de recourir à une recherche de solutions communes beaucoup plus créatives ! Ça peut être par un autre moyen, ça peut être avec d’autres personnes, à un autre moment, sous d’autres conditions. Le champ des possibles s’ouvre.

Exemple : Alors je vais dire « non » pour aller boire un verre demain (pour nourrir mon besoin de repos), mais comme je serai content de voir Roro (besoin de connexion chez moi et de partage ou détente chez lui), je peux lui proposer par exemple de se faire une pizza maison vendredi. OK. Bon, comment le lui dire sans qu’il se vexe ?

« Le sandwich relationnel »

Issâ Padovani propose d’utiliser le « sandwich relationnel » (je ne sais pas s’il y a un copyright ©, c’est vraiment son expression à lui en tout cas), qui permet de dire non plus facilement, de voir ce qui est vivant en nous mais aussi de rester en lien avec ce qui se passe chez l’autre. Il y a 3 couches dans ce casse-croute.              

La couche du Pain du dessus (P1) : (si cela est vrai et sincère !) évoquer l’importance de la relation pour vous OU accueillir et nommer le besoin chez l’autre (en parlant au « je ») OU exprimer votre gratitude qu’il ou∙elle ait fait cette demande.
Couche « Cœur de sandwich » (CdS) : Dire non en précisant le(s) besoin(s) auquel(s) je dis oui. Recommandation : utiliser « et en même temps » entre la couche 1 et 2, en effet en CNV il n’y a pas d’opposition entre ces différentes composantes mais bien une cohabitation.
Couche de Pain du dessous (P2) : Reparler de la relation OU faire une demande de connexion.

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)

Enfin, il est toujours possible, après cela de chercher ensemble une solution créative qui pourra répondre aux différents besoins en jeu.

Exemple : Sandwich « Importance de la relation/Non car mon besoin/Importance de la relation » -> Tu sais Robert, comme notre relation me tient à cœur (P1). Et en même temps là je suis super claqué∙e, j’ai vraiment besoin de repos (CdS). Je ne vais pas sortir demain. Ça n’enlève rien à combien j’apprécie passer du temps avec toi (P2). Est-ce que tu veux venir vendredi à la maison manger une pizz’ ? (Solution Créative)

Exemple 2 : Sandwich « Le Besoin chez lui/Non car mon besoin/Demande de connexion »-> Quand tu me proposes d’aller boire un verre, j’ai l’impression que tu as envie de partager un bon moment [besoin de partage, de joie], est-ce que c’est ça ? (P1) Et en même temps, je suis trop KO pour sortir moi, j’ai besoin de me reposer (CdS… elle ne change pas trop celle-ci ! ^^). Comment c’est pour toi quand je te dis ça ? (P2) Est-ce que tu veux… (solution créative) ? 

Du « rejet », recevoir un non

Pour rappel, Marshall disait « nous ne pouvons jamais forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit » (enfin… si l’on cherche à rester dans l’intention de la CNV ! ^-^). Alors si suite à ma « demande », je ne peux pas entendre un « non », c’est que j’ai formulé une exigence. Lorsque je formule une telle requête, je suis focalisé∙e sur le résultat que je veux obtenir, je ne suis plus dans l’intention de la CNV qui cherche à ce que toutes les personnes concernées aient le plus de chance de voir leurs besoins nourris.

Si je peux accueillir le « non », alors il est possible de répondre gracieusement « Merci de t’écouter », ou « Merci de prendre soin de toi ». C’est reconnaître que le non n’est pas un rejet de soi, une minimisation de notre valeur, mais que les personnes sont en train d’honorer leurs propres limites et désirs.

Également, rappelez-vous que recevoir un non permet d’être redirigé∙e vers une solution plus créative, donc une interaction mutuellement (plus) désirée. « Il n’y a pas de rejet, seulement des redirections ! ».

(Licence CC0 Public Domain)

Pour dédramatiser le fait de recevoir un « non », voici un exemple : Vous êtes en train de jouer au piano. Vous invitez un∙e ami∙e à jouer à 4 mains avec vous. La personne dit non. Cela n’enlève rien à votre valeur personnelle ni ne dit rien sur votre façon de jouer de cet instrument. La personne préfère peut-être le violon, ou ce n’est pas son moment, ou peut-être vous jouez vraiment mal mais elle vous aime bien quand même. ^^

L’usage de la force : Non c’est non.

Contrairement à la philosophie de Gandhi ou de M. L. King, la Communication Nonviolente nous propose lorsqu’une Vie ou des droits sont en danger de recourir à l’emploi protecteur de la force (plus d’infos ici). L’intention est alors d’éviter les dommages corporels ou les injustices, jamais d’amener des individus à souffrir, à se repentir ou à changer.

Toutefois, attention !, il n’est pas question de se mettre à « faire » de la CNV dans une situation qui ne laisse aucune place à la communication, typiquement en cas de geste non consenti, de parole déplacée, de danger immédiat, etc.                
La CNV est là pour être au service de la relation, pour prendre soin de l’autre et de vous. Quand il s’agit de prendre soin de vous uniquement, ne commencez pas à sortir un beau sandwich relationnel ! Dans ce cas, comme le rappellent les cercles d’autodéfense féministes ou les groupes qui pratiquent le consentement : non est une phrase qui se suffit à elle-même. Il n’y a besoin d’aucune justification. 

Exemples : C’est non.
Non, c’est non.
Peux-tu enlever ta main ? Je n’ai pas consenti à ce que tu la poses là + la retirer.

(Licence CC0 Public Domain)

Ci dessous le PDF qui reprend ce texte en version imprimable (cahier) : Memo_Dire-non_cahier.pdf

Désobéissance civile et changer le monde (3/3)

Quel changement je veux voir dans le monde? Quel changement je peux créer dans le monde?

[Suite et fin des textes Désobéissance civile et Non violences (1/3) et Désobéissance civile et CNV (2/3)]

Dans les deux textes précédents, j’évoquais la désobéissance civile de Gandhi et les Actions Directes Non Violentes ainsi que les usages possibles de la force dans la philosophie de la CNV. Je me suis demandé quelles étaient les divergences entre ces différents courants non violents qui se veulent au service d’un changement dans le monde.
Dans ce dernier texte je reviens sur le changement que je pourrais déployer dans le monde & qui serait en accord avec une posture CNV.
Quel changement je veux voir dans le monde? Quel changement je peux créer dans le monde?

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Je veux que l’autre change

Joanna Macy, citée par P. Servigne, considère qu’il y a trois dimensions à ce qu’elle appelle le Changement de Cap. Les actions, les luttes qui cherchent à ralentir les dégâts en cours (activisme) ; l’analyse, la compréhension de la situation actuelle ainsi que le déploiement d’alternatives concrètes (changement par le faire); enfin le changement intérieur de conscience. Elle précise qu’aucune voie n’est plus importante ou « meilleure » qu’une autre : les trois simultanément sont nécessaires.

J’aimerai repréciser que Marshall Rosenberg a passé une bonne partie de sa vie à déployer le processus de la CNV afin que le plus grand nombre de personnes participe au changement social global en comprenant d’abord comment se libérer de ce qui n’est pas en harmonie avec le genre de monde que nous souhaitons créer et en déployant ensuite un état d’esprit qui nous incite à l’action. 

Êtes-vous d’accord que nous avons recours à l’utilisation de la force (protectrice ou répressive), car nous souhaitons qu’un changement ait lieu par rapport à la situation initiale ? Transformation rapide si danger immédiat, rectification si nous souhaitons que l’autre personne prenne la mesure de ses actes et change.

(Licence CC0 Public Domain)
Il y a des changements qui arrivent tous seuls et d’autres que l’on souhaiterait choisir ou accélérer.

Pour différencier ces 2 types d’usages de la force, Rosenberg indique qu’il est possible de se poser les deux questions suivantes :
1/ « En quoi voudrais-je que cette personne change de comportement ? »     
Personnellement, c’est une question que je me pose souvent et j’ai souvent une facilité déconcertante pour y répondre. Par exemple avec l’Enfant que j’accompagne parfois à grandir, quand je lui rappelle un soir sur deux l’importance selon moi du lavage de dents, j’aimerai ne plus avoir à lui rappeler. Je me dis : « Bah oui, j’aimerai qu’elle change de comportement : autogestion des chicots! »
2/ « Quelle motivation voudrais-je que cette personne ait pour faire ce que je lui demande ? ».
Il est vrai que je me pose rarement cette question.      
Est-ce que je veux que l’Enfant se lave les dents parce qu’elle en aura marre de m’entendre râler ? Ou parce qu’elle aura intériorisé telle quelle la règle sortie de ma tête « avant d’aller au lit « on » se lave les dents », sans la comprendre. La vie sera plus simple pour moi, mais pour elle ? Un apprentissage de la soumission et de la domination. Est-ce le reflet du monde que je désire voir ?       
Ou bien, j’aimerais qu’elle prenne conscience de sa propre responsabilité quant à avoir des dents les plus saines possibles, le plus longtemps possible ? Et qu’elle nourrisse à la fois ses besoins d’autonomie, de propreté et de soin (par exemple) ? Qu’elle choisisse en conscience ?

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L’usage répressif de la force ne pourra jamais permettre de développer une motivation qui soit interne et propre à la personne chez qui je veux voir quelque chose changer. Si je veux juste que l’autre change et point barre ma posture n’est pas Nonviolente dans le sens de Rosenberg.    

Me changer moi?

Se poser la question de la motivation avant de demander à l’autre personne de changer permet de repartir de soi et de se demander quels sont mes besoins (en général non nourris) de l’instant. Parce que la CNV nous le rappelle souvent, l’autre personne n’est que le déclencheur mais pas la cause.

Pour reprendre une citation d’Etty Hillesum, relevée par P. Servigne « je ne crois pas que nous puissions corriger quoique ce soit dans le monde extérieur, que nous n’ayons d’abord corrigé en nous ». Pınar Selek, citée par Guillaume Gamblin, le présente comme ceci : « On ne peut pas transformer un système quand on ne se transforme pas. Le système est en nous aussi, il existe par nous, nous le faisons vivre ! ».

Et plus le temps passe et plus je me dis cela : je veux vivre dans un monde plus frugal, plus convivial, sans domination (et j’en passe). Suis-je capable moi de ne pas exercer de domination (typiquement domination adulte quant au lavage de dents, mais aussi raciale, validiste, agiste, de genre, etc.) ? De travailler à réduire ma consommation de façon à ce que mes besoins soient nourris de façon ajustée (ne plus avoir besoin de manger une tablette de chocolat quand je me sens triste car j’ai besoin de réconfort)? Arrivé-je à être en lien avec par exemple mes voisin∙es ou des inconnu∙es que je croise, de cœur à cœur ?

(Licence CC0 Public Domain)

Pour reprendre la célèbre phrase de Gandhi : puis-je être le changement que je souhaite voir dans le monde ?
Et c’est en cela que la CNV est un formidable étai, un incroyable outil (le mot est réducteur je trouve), un support inépuisable (j’ai l’impression !) d’empuissantement, car chaque jour, je vois plus clair en moi et je me transforme dedans.  Pas à pas, je me métamorphose et mon jardin intérieur ressemble à ce que j’aimerais voir à l’extérieur : plus de joie, plus de couleurs, plus d’amour, de fragilité et d’interdépendance ! J’ai parfois l’impression de rester immobile assis dans le fond de mon canapé rouge mais au final, ça déménage à l’intérieur !
C’est une tache à ma mesure, qui me donne aussi de la puissance et qui me permet de me dire que chaque jour je fais ma part avec mes moyens.

Agir « par » l’environnement ?!

Je pense à Starhawk et à ce qu’elle nomme l’action directe libérée (empowered direct action). Son but ? « Faire sentir aux personnes qu’un monde meilleur est possible, qu’elle peuvent faire quelque chose pour le faire exister et qu’elle sont des compagnes ou des compagnons de valeur dans cette lutte. L’action directe libérée signifie donner puissance à la radicalité de notre imagination et revendiquer l’espace nécessaire pour faire exister nos visions ». Elle est magie, elle est l’art de changer les consciences ».

Quant à changer nos consciences, je terminerai par cette vision de Jean-Philippe Faure, formateur CNV, que je n’incarne pas du tout encore mais je ne peux résister à la partager car elle me décoiffe et me parle énormément !

Il considère que « si j’agis pour mon environnement je me place dans une position dualiste du pour et du contre, je perpétue des systèmes de croyances positives et je maintiens l’isolement de l’individu ». Il parle lui d’agir par mon environnement.            
Ainsi, les besoins des humains, des autres qu’humains et de la planète sont pris en compte (l’interdépendance, si chère à la CNV). Il distingue trois usages de la force : l’usage environnemental de la force (agir par), l’usage protecteur de la force (agir pour) et enfin l’usage punitif de la force (agir contre). Il appelle au respect organique plutôt qu’à l’obéissance ou à la désobéissance.

Et Jean-Philippe Faure va plus loin, il considère que nous sommes tellement « imbriqué∙es, intriqué∙es [… que] je suis mon environnement et mon environnement est moi-même ». Nous avons les mêmes besoins car nous sommes Un, traversé∙es par cette essence qui est la vie, qui nous fait vibrer à l’unisson.  Et ça, ça me parle beaucoup ! 🙂

(Licence CC0 Public Domain)

Pour aller plus loin

Faure Jean-Philippe et Hemelsoet Muriel : www.voie-de-l-ecoute.com/documents-paratges.html, consulté en Août 2019
Gamblin Guillaume, L’insolente, Dialogues avec Pınar Selek, Ed. Cambourakis en partenariat avec la revue S!lence, 2019, p187-188, 212p.
Rosenberg Marshall, Les mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2005 (édition 2015), p201-211, 260p.
Servigne Pablo, Stevens Raphaël, Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible, Seuil, 2019, 323p.
Starhawk, Rêver l’obscur. Femmes, Magie et Politique, p145 pour la citation, Cambourakis, 2015.

Désobéissance civile et CNV (2/3)

Quels sont les usages possibles de la force en CNV?
L’Action Directe Non Violente est-elle compatible avec la pratique de la CNV ?

[Suite du texte Désobéissance civile et Non violences]

Dans le texte précédent, j’évoquais la désobéissance civile de Gandhi et les Actions Directes Non Violentes que j’ai connues. Nous avons vu qu’il y a diverses façon de faire de la désobéissance qui se revendiquent de postures (différentes elles aussi) non-violentes .
Dans ce second texte, je voulais évoquer les usages possibles de la force en CNV. A quels endroits se placent les Actions Directes Non Violentes que j’ai effectuées ? Dans le dernier texte je reviendrai sur le changement que je veux voir dans le monde, qui pourrait être en accord avec une posture CNV.

J’ai écrit ce deuxième texte avec la même intention que le texte précédent : Rappeler qu’il y a plusieurs courants se reconnaissants de la non violence. Clarifier, du mieux que je puisse, la différence, d’après chaque courant les différents usages possibles de la désobéissance (/de la force).
Quels sont les usages possibles de la force en CNV ? L’Action Directe Non Violente est-elle compatible avec la pratique de la CNV ?

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

L’usage protecteur de la force

Contrairement à la philosophie de Gandhi ou de M. L. King, la Communication Nonviolente nous propose lorsqu’une Vie ou des droits sont en danger de recourir à l’emploi protecteur de la force. Cela n’est possible que si nous ne portons aucun jugement sur la personne ou sur son comportement. Rosenberg pense que c’est essentiellement par inconscience que les individu∙es adoptent des comportements dangereux pour eux-mêmes/elles-mêmes et pour les autres et que ce n’est pas par nature que les gens sont violents. Cette vision est à la base de toute la philosophie de la CNV. C’est un postulat, vous pouvez ne pas être d’accord ;-). Cet axiome invite à un changement de paradigme total, à un bouleversement de notre regard sur le monde. J’aime croire que les humains ne sont fondamentalement pas violents car cette vision me permet de rester en lien, de me relier à des gens bien différents de moi !              

Ainsi, l’usage protecteur de la force est inévitable quand il n’y a plus d’échange ou qu’il n’y a plus le temps d’échanger (imminence du danger). L’intention est alors d’éviter les dommages corporels, les dommages matériels ou les injustices.                
L’exemple habituel est cet enfant qui traverse la route sans regarder, celui qui traversait déjà un peu n’importe comment dans mon texte sur la colère. Mais là, un gros camion lui fonce dessus ! Je ne vais pas me mettre à « faire de la CNV » : « mon très cher, j’observe qu’un camion de 22m3 avance vers toi à une vitesse supérieure à 50km/h et que tu ne l’as pas encore vu [observation], je me sens MEGA inquiet car j’ai besoin de sécurité [Sentiments, Besoins], pourrais-tu stp… [demande] ». Non, je me jette, je le remets sur le trottoir, j’ai fait un usage protecteur de la force.

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C’est un peu comme ça que je vois la situation… face à l’imminence du danger 😉

Après, je pourrais éventuellement, me mettre à l’écoute de mes sentiments (auto-empathie car GROSSE peur) pour pouvoir lui expliquer mon geste de façon neutre (sans le gronder car j’ai été inquiet, sans le sermonner) et enfin lui demander comment il ou elle se sent (demande de connexion).

L’usage répressif de la force

Cela est très différent de l’usage répressif de la force (punition, reproches, menace, etc.), qui lui n’est pas non violent d’après la philosophie de la CNV.  A ce moment, nous considérons que l’autre a fait quelque chose de « mal », et qu’il faut recourir à la douleur, la restriction, l’humiliation pour qu’elle « comprenne », pour qu’elle se repente ou change. Cet usage perpétue une norme sociale donnée qui légitime l’usage de la violence pour solutionner les conflits.

Car quand nous avons peur qu’une punition arrive… où portons-nous notre attention ? Nous sommes attentifs∙ves à ce qui pourrait nous arriver ! C’est le phénomène de la peur du gendarme. Le simple fait de savoir qu’il existe un système pénitentiaire et judiciaire, qui pourrait sévir si nous faisons quelque chose de mal ou de hors la loi suffit en général pour que la majorité des personnes respectent la loi (quitte à trouver de petits arrangements). Il n’y a pas besoin qu’il y ait un∙e gendarme derrière chacun∙e de nous. Nous nous gendarmons nous-mêmes, par peur des sanctions, le processus est intériorisé. Ainsi, respecter la limite de vitesse en voiture pour ne pas avoir d’amende et peut-être ne plus se rappeler que la limite sert à quelque chose (par exemple, que les piétons aient plus de chance d’avoir la vie sauve en ville ou limiter la pollution).

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La peur découle de l’usage répressif de la force (menace, humiliation, punition, etc.)

Deuxièmement, nous avons plus de mal à répondre aux besoins de la personne qui fait un usage de la force sur nous. En effet, comment arriver à rester centré∙e sur les sentiments et besoins de la personne qui fait un usage de la force sur nous ? Que ce soit à cause de la douleur, la restriction ou l’humiliation nous allons avoir tendance à nous méfier, à entendre ses mots comme des critiques ou des jugements, nous mettre sur la défensive, nous replier, prendre de la distance ou encore nous montrer agressifs∙ves (répondre, chercher à se venger). Utiliser la force répressive, contraignante, limite nos chances d’être entendu∙es et coupe le flux naturel d’interdépendance entre les humains.        

Quel(s) usage(s) de la force en Action Directe ?

Dans le cas de la désobéissance civile, j’ai l’impression que nous partons du principe qu’il y a danger immédiat pour l’humanité (dérèglement climatique), qu’il n’y a plus le temps de « faire de la CNV », qu’il n’est plus possible même de respecter la Loi car elle nous met tous et toutes en péril. Nous décidons alors d’avoir recours à l’usage protecteur de la force.   
Mais les changements ne sont pas forcément visibles juste après l’action (rarement même). Ils dépendent de la réaction de la « cible » (banque, institution), de son bon vouloir ; des temps de négociations, de plaidoyer sont nécessaires. Alors, il se peut que nous choisissons de réitérer, de faire une autre action, similaire ou différente, puis une action de plus grande ampleur. Bref, nous poursuivons notre stratégie car nous souhaitons à tout prix voir du changement chez l’autre. Marshall disait « nous ne pouvons jamais forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit » enfin… si l’on cherche à rester dans l’intention de la CNV ! ^-^. Alors si suite à ma « demande », je ne peux pas entendre un « non », c’est que j’ai formulé une exigence.          

Après une action directe non violente, sommes-nous capable collectivement d’entendre un « non » de la cible ? Suis-je capable moi Noa d’entendre un « non » de la cible ? Je ne crois pas. Je me sens impuissant alors je désire continuer à me battre pour limiter le dérèglement climatique . Ne suis-je pas d’ailleurs en train de me dire que la cible fait quelque chose de « mal » et que moi je lutte pour le « bien » ? Ne suis-je pas en train de tomber dans une vision d’ennemi (la « cible »), une catégorisation (« pouah, quel pollueur, profiteur, irresponsable ») ?

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Est-ce que nous ne sommes pas en train d’essayer d’intimider la cible (en jouant sur son image publique) pour qu’elle change de conduite donc d’avoir recours quelque part à l’usage répressif de la force ?   
Je cite encore une fois Rosenberg : « dès lors que nos besoins sont satisfaits de cette manière, non seulement nous perdons mais nous contribuons à la violence sur Terre » (quand bien même notre « problème » aurait été résolu à court terme).

J’ai été fervent militant pendant de nombreuses années au sein des actions directes non violentes. J’aime ce qu’elles permettent de faire collectivement : regagner de la puissance d’agir, retrouver un sentiment d’appartenance (« je ne suis pas seul∙e à avoir ces valeurs »), parfois changer concrètement les choses. Je voulais juste souligner que la non violence d’une action directe peut-être encore une fois, très différente de la philosophie de la Nonviolence de Rosenberg.
Plus je baigne dans la CNV, plus il m’est difficile de retrouver l’élan à faire des Action Directes NV, je suis partagé et pourtant mon cœur s’interroge : alors comment changer le monde en restant en cohérence avec mes valeurs écologiques et non-violentes dans le sens de Marshall ? [Lire le texte suivant]


Pour aller plus loin

Rosenberg Marshall, Les mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2005 (édition 2015), p201-211, 260p.

Désobéissance civile et non violences (1/3)

De quelle violence ou de quelle non-violence parle-t-on ? De quelle désobéissance parle-t-on ?

J’ai toujours eu envie de changer le monde, de transformer l’existant en un lieu moins inégalitaire, plus équitable, plus doux, plus convivial, plus écologique, plus frugal. Plus désirable finalement. Cette quête a été mon fil conducteur pendant de nombreuses années, la flamme derrière ma militance, le leitmotiv de mon engagement.           
Après deux ans de baignade délicieuse dans l’univers de la Communication Nonviolente (CNV), j’ai eu envie de produire un texte qui viendrait mettre en regard, de façon subjective et partielle, deux façons de faire de la désobéissance civile non-violente (Gandhi, l’Action Directe Non Violente). Dans un second texte, pour continuer dans cette lignée désobéissante, je reparlerai des usages possibles de la force en CNV.  Enfin, le dernier texte me permettra de revenir sur le changement que je veux voir dans le monde, qui serait en accord avec une posture CNV.

J’ai écrit ce premier texte avec ces intentions : Rappeler qu’il y a plusieurs courants se reconnaissants de la non violence. Clarifier, du mieux que je puisse, la différence, d’après chaque courant les différents usages possibles de la désobéissance (/de la force).

Je crois que la question de ce premier texte est de savoir de quelle violence ou de quelle non-violence parle-t-on ? e quelle force (/désobéissance) parle-t-on ?

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

La non-violence de Gandhi

Pour écrire ce paragraphe, je me suis principalement inspiré d’une lecture : un chapitre de Robert Deliège sur la vie de Gandhi, parce qu’au final, je connaissais peu de choses sur la vie du Mahatma.
La non-violence pour Gandhi est une méthode d’action, politique et sociale. Un moyen et une fin en soi. Dans les luttes -plutôt connues, comme la marche du sel- qu’il a menées, il mélangeait désobéissance civile de masse, résistance et/ou boycott. Il invitait les militant∙es à ne jamais avoir recours à la violence sous quelle que forme que ce soit, à ne jamais montrer leur propre colère, voire à se laisser placidement arrêter. Robert Deliège raconte que « l’exemple donné par les participant∙es, […] leur détermination sont essentiels à la réalisation du but final ».

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Gandhi : « An eye for an eye makes the whole world blind » – La maxime « œil pour œil » rend l’ensemble du monde aveugle »

Gandhi a inspiré de nombreux mouvements de libération et de défense des droits dans le monde. Il est reconnu pour mélanger fermeté, compromis, persuasion et discussion. J’ai compris, avec étonnement, qu’il ne considérait pas la pression morale, le chantage comme des violences. Également, Gandhi valorise la mortification et le jeûne sévère, que d’autres courants pourraient voir comme de la violence (physique) exercée sur soi-même.  Pour lui, ce sont des actes moraux, spirituels, purificateurs. Parfois, Gandhi a eu recours à des grèves de la faim comme un autre moyen dans la poursuite de ses luttes.
La non-violence n’a jamais été pour Gandhi un acte de faiblesse, un renoncement et/ou l’expression d’une peur, c’était un choix conscient, une solution pour changer la société. Gandhi pensait que la non-violence ne se résume pas au fait de ne pas tuer, mais de ne plus avoir d’ennemi∙es. D’aller jusqu’à les aimer et de ne plus accepter que du tort leur soit fait !               
En cela, je crois le courant de la CNV et la pensée de Gandhi se rejoignent.      

De ce que j’ai compris, en revanche, Gandhi était conscient qu’il s’agissait là d’un idéal de perfection, d’une exigence, qui plus est très élevée. De mon côté, quand je pratique la CNV, une fois que je me suis donné de l’auto-empathie ou une fois que mes besoins sont tranquillement nourris, je ne me dis jamais qu’il faut que j’aime autrui. L’envie de me connecter (besoin d’interdépendance) et l’empathie découlent naturellement, si j’en ai l’élan, une fois que j’ai pris soin de moi. Également Rosenberg insiste très souvent sur la vision d’ennemi qui vient créer une opposition, redire qui a tort-qui a raison, alors qu’en CNV, avant toute chose se situe l’intention : quelle qualité de la relation j’aimerai tisser avec cette personne ?

L’Action (directe) Non Violente

J’ai milité pendant longtemps en pratiquant des Actions Directes Non Violentes, en compagnie des associations comme Alternatiba, ANV COP21, Les Ami∙es de la Terre ou encore ATTAC. Il s’agissait par exemple d’aller bloquer une banque pour sensibiliser les employé∙es au fait que leur (haute) direction continue de financer des énergies fossiles les plus polluantes. Demander que l’information remonte en interne. Puis recommencer et ainsi alerter à la fois l’opinion publique mais également causer assez de perte de temps, d’argent, ou nuire à l’image publique de la banque en question pour commencer à pouvoir faire pression sur la (haute) direction.

L’Action Non Violente (ANV) considère d’une part que les personnes qui militent se battent pour le « bien commun » ou disons pour le mieux-être de la grande majorité de la société civile voire de la planète. Ces actions peuvent utiliser des moyens légaux (lobbying, plaidoyer, actions en justice, actions légales) mais aussi la légitime défense ou encore la désobéissance civile. Elles cherchent à faire prise, là où individuellement nous pourrions nous sentir impuissant∙es (et atterré∙es !), pour nous redonner collectivement de la puissance d’agir et espoir.

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)
2018 – Une action légale pour dénoncer la prolifération des panneaux publicitaires vidéos énergivores.

A aucun moment, les militant∙es ne s’en prennent aux personnes : il y a une distinction faite entre les actes effectués (estimés violents : comme construire un pipeline) et les personnes (dirigeantes, décisionnaires ou exécutantes) qui les commettent. Il y a toujours une proposition décente, une porte de sortie laissée à « l’adversaire ».

Le consensus d’action est le suivant : jamais de dégradation matérielle ni de violence physique ni de violence psychologique. Nous agissons à visage découvert, avec calme, respect mais détermination et avec nos papiers d’identité dans la poche. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous∙tes responsables, nous savons à quoi nous attendre avant chaque action (risque légal, juridique) et nous sommes prêt∙es à assumer cela jusqu’au bout (interpellation, garde à vue, amendes, prison!).

Car, selon la durée et la complexité des actions menées, la répression peut survenir ; je dirai même il faut compter avec elle ! En effet, je me dis que la lutte non violente vient déranger l’ordre établi (que ce soit l’État, des institutions, des organismes privés), bref une forme de pouvoir -« pouvoir-sur »- quel qu’il soit… Pas étonnant je trouve qu’une forme de répression soit alors déployée pour étouffer cette perturbation !

(Licence CC-BY-SA 2.0 Wikimedia Commons)
2017 – L’action de masse de désobéissance civile « Ende Gelände » : blocage d’une gigantesque mine de charbon allemande, avec des militant∙es venu∙es de nombreux pays.
On voit des groupes de militant∙es (en blanc) face aux lignes des forces de l’ordre (tenues foncées).

D’ailleurs, c’est cette répression, souvent brutale, qui vient pointer là où sont les enjeux de la lutte et où se cache le pouvoir (qui est protégé par le Pouvoir en place). L’utilisation de la non violence permet aussi de bénéficier d’un plus grand soutien auprès de l’opinion publique : comment ne pas être un peu outré∙e en voyant des militant∙es pacifistes, les bras en l’air, dénonçant une injustice quelconque qui se font malmené∙es/ arrêté∙es par une troupe de policier∙es ou de gendarmes carapacé∙es ? Les forces de l’ordre seraient-elles « du côté » des banques ?

Et du côté de la CNV, qu’en est-il ? Quelle désobéissance est possible? [Lire le texte suivant]


Pour aller plus loin

Deliège Robert, Gandhi sa vie et sa pensée, Chap V., p. 149-170. books.openedition.org/septentrion/13947?lang=fr, Consulté en Août 2019.
Wikipédia : fr.wikipedia.org/wiki/Non-violence
Les sites des associations : Alternatiba, ANV COP21, Les Ami∙es de la Terre ou encore ATTAC

Gagnons en clarté sur la Violence, la Colère et la Non Violence !

Quelle différence entre colère et violence? Est-il possible d’incarner la philosophie de la CNV et d’exprimer pleinement sa colère (ou toute autre émotion !)?

Quand je parle (rapidement) de la Communication Nonviolente (CNV) à des personnes qui ne connaissent pas, j’entends de temps à autres que la « Non violence c’est pour les Bisounours© » ou « que si c’est pour ne plus se disputer, ça ne m’intéresse pas ! » ou encore « super, je vais pouvoir apprendre à contrôler mes émotions ? ».
Hum, s’il y a bien une chose que je ne contrôle plus depuis la découverte de la CNV, c’est bien mes émotions ! 🙂  

J’ai écrit ces quelques lignes avec l’intention suivante : clarifier la différence entre colère et violence ; puis redire qu’il est tout à fait possible d’incarner la philosophie de la CNV et d’exprimer pleinement sa colère (ou toute autre émotion !).

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa


De la colère

La colère une réaction de protection. Elle résulte d’une blessure, d’une frustration, d’un sentiment d’injustice, de la rencontre d’un obstacle, de l’atteinte à mon intégrité physique ou psychologique, d’une effraction sur mon territoire. Elle me permet de faire face à des situations d’urgence.

A l’origine, la colère est une émotion.

L’émotion est un mouvement énergétique interne, rapide (max quelques minutes) et dont l’expression est plutôt identique chez tous les humains. Cette réaction du corps signale que j’ai besoin de mobiliser mes ressources pour agir aux modifications de mon milieu (capacité d’adaptation). L’émotion est au service de la survie et du bien-être des humains. Il y a six émotions fondamentales : joie, colère, peur, tristesse, surprise, dégout.

Le sentiment lui découle de la façon dont je traite la prise de conscience d’une émotion, il est déjà un peu plus lié avec la pensée. Il peut durer jusqu’à dix minutes. On peut compter plusieurs centaines de sentiments !

(Licence CC0 Public Domain)

Avez-vous déjà éprouvé une colère qui dure plus de 10minutes ?        
J’ai déjà vécu des colères froides, ces colères rentrées qui restent et qui me rongent de l’intérieur, bien longtemps après que le stimulus, le déclencheur soit parti. Je rumine et j’en veux à autrui. Jean-Philippe Faure, formateur en Communication Nonviolente parle de « colère psychologique ». Le sentiment se fixe autour de la croyance que ce qui se passe est erroné. Je me dis que « j’aurais du » ou « je n’aurais pas du » faire cela. Enfin, le plus souvent je me dis que l’autre n’avait pas le droit ou qu’il∙elle aurait du faire ceci ou cela ! Dans ce cas, je suis coupé∙e de mon émotion.

La colère indique que nous avons un besoin insatisfait, c’est un voyant sur notre tableau de bord. Et pour nourrir mes besoins, de l’énergie me sera nécessaire… or la colère me prive de cette énergie quand je me fixe sur les torts de l’autre, quand je veux le∙la punir (même en pensée). Ce qui m’amène à cette citation de Bouddha ^^ : « Rester en colère, c’est comme saisir un charbon ardent avec l’intention de le jeter sur quelqu’un∙e mais c’est vous qui vous brûlez. »

Parfois, aussi, il est possible de rencontrer une « colère paravent » qui cache ou qui découle d’une autre émotion : quand je dissimule ma peur ou quand je réprime une tristesse profonde. Parfois aussi, je peux avoir peur de ma colère ou me sentir en colère d’être en colère (eh oui !).       
L’exemple typique c’est ce parent qui hurle sur son enfant qui a traversé la rue sans regarder. La colère sort, derrière pourtant il y a eu l’inquiétude, la peur. Je crois qu’il est plus facile (mais si tragique) de calmer son stress en criant un bon coup sur autrui plutôt qu’en disant combien j’ai eu peur ou que je me suis senti∙e triste.

Jean-Philippe Faure rappelle combien il est précieux que je sache entendre rapidement les signaux d’alarme qui s’allument en moi. Est-ce que je me répète en pensée des choses en boucle ? Est-ce que je n’arrive pas à digérer quelque chose ? Est-ce que je sens une tension dans mon corps ? Est-ce que je suis en train d’accumuler ? Pensez aux fois où vous avez répété la même chose vingt fois, au début, vous ne vous sentiez pas si agacé∙e que ça…        

Quand la colère n’est plus « appropriée », quand elle se coupe de l’émotion du départ, elle devient « excessive » comme le nomme Isabelle Filliozat, écrivaine, psychothérapeute et conférencière sur les émotions, la parentalité. La colère n’est plus au service de notre bien-être au contraire, elle peut-être destructrice pour moi ou pour l’autre. Par exemple, je peux tomber « à bras raccourcis » sur une personne qui n’est pas vraiment le stimulus de départ. Si, j’ai passé une mauvaise journée au travail, j’en veux à mon patron mais je n’ose pas lui dire ; de plus je me sens stressé∙e car mon∙ma partenaire est souvent absent∙e mais nous n’avons pas pris le temps d’en discuter ; en rentrant je crie sur mon enfant qui a renversé sans le faire exprès son yaourt ! Cette projection sur une autre personne, pour laquelle je « risque moins » en laissant sortir ma colère atténue à court terme mon stress, mon impuissance. Mais quelles sont les implications à long terme pour tout le monde? 

A partir d’un certain seuil de colère, la tension corporelle s’accroit, cela peut être douloureux et il ne me sera plus possible d’exprimer ma colère sans nuire à mon environnement. Je vais basculer dans la violence.

De la violence 

La définition wikipédiesque de la violence est « l’utilisation de force ou de pouvoir, physique ou psychique, pour contraindre, dominer, tuer, détruire ou endommager ». Muriel Hemelsoet, formatrice CNV, en parle comme une réaction « inadaptée ».

Beaucoup de personnes (mettons 1 sur 4) peuvent me rétorquer spontanément qu’elles ne sont pas violentes quand j’évoque la Communication Nonviolente. J’aime cette réponse d’Issâ Padovani, formateur CNV certifié, qui demande alors : « que vous dites-vous à vous-mêmes, quand vous avez fait ou dit quelque chose de moins que parfait ? ».

Bien évidemment, la violence la plus connue, la plus visible est celle que l’on exerce sur autrui par la force, la menace. Mais en CNV, la violence n’est pas seulement un pistolet sur la tempe ou un coup de poing sur la figure, elle est présente toutes les fois où nous portons un jugement, une étiquette, où nous assouvissons nos besoins au détriment d’autrui, où nous utilisons l’humiliation, la culpabilisation, etc. Je peux exercer de la violence (inconsciente ou consciente) envers moi-même comme envers un∙e autre (humain ou autre qu’humain) !        

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La violence découle d’une séparation avec l’autre (je ne vois plus que nous sommes interdépendant∙es), de la frustration et de l’impuissance. Isabelle Filliozat le dit encore plus simplement : trop de « je ne peux pas » (= trop de situations où mes besoins ne sont pas nourris) et je deviens tenté∙e de faire un usage de la force pour contraindre autrui (car il devient urgent que je nourrisse mes besoins, help !, je ne vois plus comment faire autrement !)

La violence est une stratégie (tragique !) pour décharger la tension, une tentative pour compenser notre détresse ou éviter de sentir notre souffrance. Elle permet à court terme de se sentir puissant∙e, de restaurer l’estime de soi, de se sentir vivre (en cela qu’elle peut être exaltante, jouissive), d’être valorisé∙e dans certains groupes. Elle peut aussi servir à confirmer le rôle qui est attendu de moi (« mon parent dit que je suis mauvais∙e, mon parent doit avoir raison, alors je casse des choses, etc.»). Enfin, dans certains cas, comme le souligne I. Filliozat, elle permet aussi de s’approprier une violence dont on a été victime ou témoin pour mieux la dépasser.

Nous pouvons subir des violences de par nos engagements, nos appartenances sociales, raciales, ou de genre, etc. Ces violences politiques qui touchent tout un groupe social découlent de pratiques systémiques, politiques, culturelles, et sociales qui les ont légitimées et permises.

Pour moi, la violence prend le plus directement racine dans l’impuissance. Alors j’écrirai bientôt un article sur la puissance personnelle ! 🙂

Reconnaître, exprimer puis calmer la colère

Marshall B. Rosenberg, le créateur du processus de la Communication Nonviolente, lance cette phrase choc (j’ai été stupéfié en la lisant la première fois !) : « tuer des gens est un acte trop superficiel », cela n’exprime que de façon sommaire ce que nous ressentons quand nous sommes en colère.

Avec la CNV, nous sommes invité∙es à exprimer pleinement la colère. Les émotions sont, comme je l’indiquais au début, avant tout des énergies qui nous parcourent. Si la CNV peut nous convier à acquérir leur maitrise, il n’est jamais question de les contrôler ! Nous n’allons donc pas chercher à diriger, à canaliser, mais plutôt placer notre attention pour discerner ce qui remue en nous, puis aller dans son sens. Je ne mets rien sous le tapis en CNV.  

Si je commence à mettre des sentiments sous le tapis, j’encoure le risque de me retrouver à un moment (inopportun) face à un hippopotame d’émotions… Danger !
(Licence CC0 Public Domain)

Alors, comment faire pour exprimer (puis calmer) sa colère ?  
J’essaye de m’éloigner du stimulus dans un premier temps. Si la colère se calme et s’apaise c’est que l’émotion est passée (je vérifie dans mon corps qu’il ne reste aucune tension), elle n’était empêtrée d’aucune croyance.

Si la colère est encore là, malgré la mise à distance, je vais essayer de l’exprimer pleinement et de la vivre entièrement. Je peux choisir de l’exprimer par le corps (faire un effort physique intense, crier dans un coussin, gribouiller) ou par la parole. C’est à ça que servent les dancefloors CNV! Je peux y faire « pisser mon chacal » c’est-à-dire laisser sortir tous les jugements et croyances qui me viennent à l’esprit. Quand je traverse une colère-coupée de l’émotion c’est-à-dire mêlée de pensées, je me raconte souvent qu’autrui est la cause de ma colère (« il∙elle n’aurait pas du ! »). Alors je donne à l’autre du pouvoir sur moi. Pouvoir qu’il∙elle n’a en réalité ja-mais ! Je suis responsable de mes émotions et de mes sentiments.

Si j’ai peur de ma colère, si je sens que je reste « dans la tête », je peux visualiser de nouveau le déclencheur, repartir des sensations dans le corps. Je peux aussi tenter de me dés-identifier : « Je ne suis pas en colère, il y a de la colère en moi aussi elle ne peut pas me dépasser, me submerger ». Plus mon rapport avec la colère est détaché, plus la colère se décolle de moi.

Au bout d’un moment, quand la colère a été suffisamment exprimée (corps calme, pensées apaisées) il me sera possible d’y voir plus clair. Je vais pouvoir « descendre en moi ». Je peux commencer à chercher : « je suis en colère car j’ai besoin de … ». Retour à la CNV ! 😉 Il est possible qu’alors j’approche un sentiment intense qui sera très rarement de la colère mais, on l’a vu au début, plutôt de la tristesse ou de la peur.    

Si l’autre personne est en colère, que puis-je faire ? Si j’en ai l’élan et les moyens, et seulement à cette condition, je me rappelle que la colère retombe quand elle se confronte à la tranquillité. Je vérifie ma qualité de centrage, je peux sourire (sans ironie !) et respirer lentement. J’essaye de me mettre à l’écoute des besoins non-nourris qu’exprime l’autre personne.

Voilà pour aujourd’hui quant à la colère, la violence et une partie de la philosophie de la CNV. Au plaisir d’en discuter plus longuement avec vous, dans les commentaires ou en direct. 😉


Pour aller plus loin

Faure Jean-Philippe et Hemelsoet Muriel : http://www.voie-de-l-ecoute.com/documents-paratges.html, consulté en Août 2019
Filliozat Isabelle, Il n’y a pas de parent parfait, Marabout, 2012 (5ème édition), 316p.
Rosenberg Marshall, Les mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, p179 -200, 2005 (édition 2015), 260p.
Wikipedia : Définition de la violence, https://fr.wikipedia.org/wiki/Violence, consulté en Août 2019