J’ai toujours eu envie de changer le monde, de transformer l’existant en un lieu moins inégalitaire, plus équitable, plus doux, plus convivial, plus écologique, plus frugal. Plus désirable finalement. Cette quête a été mon fil conducteur pendant de nombreuses années, la flamme derrière ma militance, le leitmotiv de mon engagement.
Après deux ans de baignade délicieuse dans l’univers de la Communication Nonviolente (CNV), j’ai eu envie de produire un texte qui viendrait mettre en regard, de façon subjective et partielle, deux façons de faire de la désobéissance civile non-violente (Gandhi, l’Action Directe Non Violente). Dans un second texte, pour continuer dans cette lignée désobéissante, je reparlerai des usages possibles de la force en CNV. Enfin, le dernier texte me permettra de revenir sur le changement que je veux voir dans le monde, qui serait en accord avec une posture CNV.
J’ai écrit ce premier texte avec ces intentions : Rappeler qu’il y a plusieurs courants se reconnaissants de la non violence. Clarifier, du mieux que je puisse, la différence, d’après chaque courant les différents usages possibles de la désobéissance (/de la force).
Je crois que la question de ce premier texte est de savoir de quelle violence ou de quelle non-violence parle-t-on ? e quelle force (/désobéissance) parle-t-on ?
Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa
La non-violence de Gandhi
Pour écrire ce paragraphe, je me suis principalement inspiré d’une lecture : un chapitre de Robert Deliège sur la vie de Gandhi, parce qu’au final, je connaissais peu de choses sur la vie du Mahatma.
La non-violence pour Gandhi est une méthode d’action, politique et sociale. Un moyen et une fin en soi. Dans les luttes -plutôt connues, comme la marche du sel- qu’il a menées, il mélangeait désobéissance civile de masse, résistance et/ou boycott. Il invitait les militant∙es à ne jamais avoir recours à la violence sous quelle que forme que ce soit, à ne jamais montrer leur propre colère, voire à se laisser placidement arrêter. Robert Deliège raconte que « l’exemple donné par les participant∙es, […] leur détermination sont essentiels à la réalisation du but final ».
Gandhi a inspiré de nombreux mouvements de libération et de défense des droits dans le monde. Il est reconnu pour mélanger fermeté, compromis, persuasion et discussion. J’ai compris, avec étonnement, qu’il ne considérait pas la pression morale, le chantage comme des violences. Également, Gandhi valorise la mortification et le jeûne sévère, que d’autres courants pourraient voir comme de la violence (physique) exercée sur soi-même. Pour lui, ce sont des actes moraux, spirituels, purificateurs. Parfois, Gandhi a eu recours à des grèves de la faim comme un autre moyen dans la poursuite de ses luttes.
La non-violence n’a jamais été pour Gandhi un acte de faiblesse, un renoncement et/ou l’expression d’une peur, c’était un choix conscient, une solution pour changer la société. Gandhi pensait que la non-violence ne se résume pas au fait de ne pas tuer, mais de ne plus avoir d’ennemi∙es. D’aller jusqu’à les aimer et de ne plus accepter que du tort leur soit fait !
En cela, je crois le courant de la CNV et la pensée de Gandhi se rejoignent.
De ce que j’ai compris, en revanche, Gandhi était conscient qu’il s’agissait là d’un idéal de perfection, d’une exigence, qui plus est très élevée. De mon côté, quand je pratique la CNV, une fois que je me suis donné de l’auto-empathie ou une fois que mes besoins sont tranquillement nourris, je ne me dis jamais qu’il faut que j’aime autrui. L’envie de me connecter (besoin d’interdépendance) et l’empathie découlent naturellement, si j’en ai l’élan, une fois que j’ai pris soin de moi. Également Rosenberg insiste très souvent sur la vision d’ennemi qui vient créer une opposition, redire qui a tort-qui a raison, alors qu’en CNV, avant toute chose se situe l’intention : quelle qualité de la relation j’aimerai tisser avec cette personne ?
L’Action (directe) Non Violente
J’ai milité pendant longtemps en pratiquant des Actions Directes Non Violentes, en compagnie des associations comme Alternatiba, ANV COP21, Les Ami∙es de la Terre ou encore ATTAC. Il s’agissait par exemple d’aller bloquer une banque pour sensibiliser les employé∙es au fait que leur (haute) direction continue de financer des énergies fossiles les plus polluantes. Demander que l’information remonte en interne. Puis recommencer et ainsi alerter à la fois l’opinion publique mais également causer assez de perte de temps, d’argent, ou nuire à l’image publique de la banque en question pour commencer à pouvoir faire pression sur la (haute) direction.
L’Action Non Violente (ANV) considère d’une part que les personnes qui militent se battent pour le « bien commun » ou disons pour le mieux-être de la grande majorité de la société civile voire de la planète. Ces actions peuvent utiliser des moyens légaux (lobbying, plaidoyer, actions en justice, actions légales) mais aussi la légitime défense ou encore la désobéissance civile. Elles cherchent à faire prise, là où individuellement nous pourrions nous sentir impuissant∙es (et atterré∙es !), pour nous redonner collectivement de la puissance d’agir et espoir.
A aucun moment, les militant∙es ne s’en prennent aux personnes : il y a une distinction faite entre les actes effectués (estimés violents : comme construire un pipeline) et les personnes (dirigeantes, décisionnaires ou exécutantes) qui les commettent. Il y a toujours une proposition décente, une porte de sortie laissée à « l’adversaire ».
Le consensus d’action est le suivant : jamais de dégradation matérielle ni de violence physique ni de violence psychologique. Nous agissons à visage découvert, avec calme, respect mais détermination et avec nos papiers d’identité dans la poche. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous∙tes responsables, nous savons à quoi nous attendre avant chaque action (risque légal, juridique) et nous sommes prêt∙es à assumer cela jusqu’au bout (interpellation, garde à vue, amendes, prison!).
Car, selon la durée et la complexité des actions menées, la répression peut survenir ; je dirai même il faut compter avec elle ! En effet, je me dis que la lutte non violente vient déranger l’ordre établi (que ce soit l’État, des institutions, des organismes privés), bref une forme de pouvoir -« pouvoir-sur »- quel qu’il soit… Pas étonnant je trouve qu’une forme de répression soit alors déployée pour étouffer cette perturbation !
D’ailleurs, c’est cette répression, souvent brutale, qui vient pointer là où sont les enjeux de la lutte et où se cache le pouvoir (qui est protégé par le Pouvoir en place). L’utilisation de la non violence permet aussi de bénéficier d’un plus grand soutien auprès de l’opinion publique : comment ne pas être un peu outré∙e en voyant des militant∙es pacifistes, les bras en l’air, dénonçant une injustice quelconque qui se font malmené∙es/ arrêté∙es par une troupe de policier∙es ou de gendarmes carapacé∙es ? Les forces de l’ordre seraient-elles « du côté » des banques ?
Et du côté de la CNV, qu’en est-il ? Quelle désobéissance est possible? [Lire le texte suivant]
Pour aller plus loin
Deliège Robert, Gandhi sa vie et sa pensée, Chap V., p. 149-170. books.openedition.org/septentrion/13947?lang=fr, Consulté en Août 2019.
Wikipédia : fr.wikipedia.org/wiki/Non-violence
Les sites des associations : Alternatiba, ANV COP21, Les Ami∙es de la Terre ou encore ATTAC