Désobéissance civile et changer le monde (3/3)

Quel changement je veux voir dans le monde? Quel changement je peux créer dans le monde?

[Suite et fin des textes Désobéissance civile et Non violences (1/3) et Désobéissance civile et CNV (2/3)]

Dans les deux textes précédents, j’évoquais la désobéissance civile de Gandhi et les Actions Directes Non Violentes ainsi que les usages possibles de la force dans la philosophie de la CNV. Je me suis demandé quelles étaient les divergences entre ces différents courants non violents qui se veulent au service d’un changement dans le monde.
Dans ce dernier texte je reviens sur le changement que je pourrais déployer dans le monde & qui serait en accord avec une posture CNV.
Quel changement je veux voir dans le monde? Quel changement je peux créer dans le monde?

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Je veux que l’autre change

Joanna Macy, citée par P. Servigne, considère qu’il y a trois dimensions à ce qu’elle appelle le Changement de Cap. Les actions, les luttes qui cherchent à ralentir les dégâts en cours (activisme) ; l’analyse, la compréhension de la situation actuelle ainsi que le déploiement d’alternatives concrètes (changement par le faire); enfin le changement intérieur de conscience. Elle précise qu’aucune voie n’est plus importante ou « meilleure » qu’une autre : les trois simultanément sont nécessaires.

J’aimerai repréciser que Marshall Rosenberg a passé une bonne partie de sa vie à déployer le processus de la CNV afin que le plus grand nombre de personnes participe au changement social global en comprenant d’abord comment se libérer de ce qui n’est pas en harmonie avec le genre de monde que nous souhaitons créer et en déployant ensuite un état d’esprit qui nous incite à l’action. 

Êtes-vous d’accord que nous avons recours à l’utilisation de la force (protectrice ou répressive), car nous souhaitons qu’un changement ait lieu par rapport à la situation initiale ? Transformation rapide si danger immédiat, rectification si nous souhaitons que l’autre personne prenne la mesure de ses actes et change.

(Licence CC0 Public Domain)
Il y a des changements qui arrivent tous seuls et d’autres que l’on souhaiterait choisir ou accélérer.

Pour différencier ces 2 types d’usages de la force, Rosenberg indique qu’il est possible de se poser les deux questions suivantes :
1/ « En quoi voudrais-je que cette personne change de comportement ? »     
Personnellement, c’est une question que je me pose souvent et j’ai souvent une facilité déconcertante pour y répondre. Par exemple avec l’Enfant que j’accompagne parfois à grandir, quand je lui rappelle un soir sur deux l’importance selon moi du lavage de dents, j’aimerai ne plus avoir à lui rappeler. Je me dis : « Bah oui, j’aimerai qu’elle change de comportement : autogestion des chicots! »
2/ « Quelle motivation voudrais-je que cette personne ait pour faire ce que je lui demande ? ».
Il est vrai que je me pose rarement cette question.      
Est-ce que je veux que l’Enfant se lave les dents parce qu’elle en aura marre de m’entendre râler ? Ou parce qu’elle aura intériorisé telle quelle la règle sortie de ma tête « avant d’aller au lit « on » se lave les dents », sans la comprendre. La vie sera plus simple pour moi, mais pour elle ? Un apprentissage de la soumission et de la domination. Est-ce le reflet du monde que je désire voir ?       
Ou bien, j’aimerais qu’elle prenne conscience de sa propre responsabilité quant à avoir des dents les plus saines possibles, le plus longtemps possible ? Et qu’elle nourrisse à la fois ses besoins d’autonomie, de propreté et de soin (par exemple) ? Qu’elle choisisse en conscience ?

(Licence CC0 Public Domain)

L’usage répressif de la force ne pourra jamais permettre de développer une motivation qui soit interne et propre à la personne chez qui je veux voir quelque chose changer. Si je veux juste que l’autre change et point barre ma posture n’est pas Nonviolente dans le sens de Rosenberg.    

Me changer moi?

Se poser la question de la motivation avant de demander à l’autre personne de changer permet de repartir de soi et de se demander quels sont mes besoins (en général non nourris) de l’instant. Parce que la CNV nous le rappelle souvent, l’autre personne n’est que le déclencheur mais pas la cause.

Pour reprendre une citation d’Etty Hillesum, relevée par P. Servigne « je ne crois pas que nous puissions corriger quoique ce soit dans le monde extérieur, que nous n’ayons d’abord corrigé en nous ». Pınar Selek, citée par Guillaume Gamblin, le présente comme ceci : « On ne peut pas transformer un système quand on ne se transforme pas. Le système est en nous aussi, il existe par nous, nous le faisons vivre ! ».

Et plus le temps passe et plus je me dis cela : je veux vivre dans un monde plus frugal, plus convivial, sans domination (et j’en passe). Suis-je capable moi de ne pas exercer de domination (typiquement domination adulte quant au lavage de dents, mais aussi raciale, validiste, agiste, de genre, etc.) ? De travailler à réduire ma consommation de façon à ce que mes besoins soient nourris de façon ajustée (ne plus avoir besoin de manger une tablette de chocolat quand je me sens triste car j’ai besoin de réconfort)? Arrivé-je à être en lien avec par exemple mes voisin∙es ou des inconnu∙es que je croise, de cœur à cœur ?

(Licence CC0 Public Domain)

Pour reprendre la célèbre phrase de Gandhi : puis-je être le changement que je souhaite voir dans le monde ?
Et c’est en cela que la CNV est un formidable étai, un incroyable outil (le mot est réducteur je trouve), un support inépuisable (j’ai l’impression !) d’empuissantement, car chaque jour, je vois plus clair en moi et je me transforme dedans.  Pas à pas, je me métamorphose et mon jardin intérieur ressemble à ce que j’aimerais voir à l’extérieur : plus de joie, plus de couleurs, plus d’amour, de fragilité et d’interdépendance ! J’ai parfois l’impression de rester immobile assis dans le fond de mon canapé rouge mais au final, ça déménage à l’intérieur !
C’est une tache à ma mesure, qui me donne aussi de la puissance et qui me permet de me dire que chaque jour je fais ma part avec mes moyens.

Agir « par » l’environnement ?!

Je pense à Starhawk et à ce qu’elle nomme l’action directe libérée (empowered direct action). Son but ? « Faire sentir aux personnes qu’un monde meilleur est possible, qu’elle peuvent faire quelque chose pour le faire exister et qu’elle sont des compagnes ou des compagnons de valeur dans cette lutte. L’action directe libérée signifie donner puissance à la radicalité de notre imagination et revendiquer l’espace nécessaire pour faire exister nos visions ». Elle est magie, elle est l’art de changer les consciences ».

Quant à changer nos consciences, je terminerai par cette vision de Jean-Philippe Faure, formateur CNV, que je n’incarne pas du tout encore mais je ne peux résister à la partager car elle me décoiffe et me parle énormément !

Il considère que « si j’agis pour mon environnement je me place dans une position dualiste du pour et du contre, je perpétue des systèmes de croyances positives et je maintiens l’isolement de l’individu ». Il parle lui d’agir par mon environnement.            
Ainsi, les besoins des humains, des autres qu’humains et de la planète sont pris en compte (l’interdépendance, si chère à la CNV). Il distingue trois usages de la force : l’usage environnemental de la force (agir par), l’usage protecteur de la force (agir pour) et enfin l’usage punitif de la force (agir contre). Il appelle au respect organique plutôt qu’à l’obéissance ou à la désobéissance.

Et Jean-Philippe Faure va plus loin, il considère que nous sommes tellement « imbriqué∙es, intriqué∙es [… que] je suis mon environnement et mon environnement est moi-même ». Nous avons les mêmes besoins car nous sommes Un, traversé∙es par cette essence qui est la vie, qui nous fait vibrer à l’unisson.  Et ça, ça me parle beaucoup ! 🙂

(Licence CC0 Public Domain)

Pour aller plus loin

Faure Jean-Philippe et Hemelsoet Muriel : www.voie-de-l-ecoute.com/documents-paratges.html, consulté en Août 2019
Gamblin Guillaume, L’insolente, Dialogues avec Pınar Selek, Ed. Cambourakis en partenariat avec la revue S!lence, 2019, p187-188, 212p.
Rosenberg Marshall, Les mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2005 (édition 2015), p201-211, 260p.
Servigne Pablo, Stevens Raphaël, Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible, Seuil, 2019, 323p.
Starhawk, Rêver l’obscur. Femmes, Magie et Politique, p145 pour la citation, Cambourakis, 2015.

Désobéissance civile et CNV (2/3)

Quels sont les usages possibles de la force en CNV?
L’Action Directe Non Violente est-elle compatible avec la pratique de la CNV ?

[Suite du texte Désobéissance civile et Non violences]

Dans le texte précédent, j’évoquais la désobéissance civile de Gandhi et les Actions Directes Non Violentes que j’ai connues. Nous avons vu qu’il y a diverses façon de faire de la désobéissance qui se revendiquent de postures (différentes elles aussi) non-violentes .
Dans ce second texte, je voulais évoquer les usages possibles de la force en CNV. A quels endroits se placent les Actions Directes Non Violentes que j’ai effectuées ? Dans le dernier texte je reviendrai sur le changement que je veux voir dans le monde, qui pourrait être en accord avec une posture CNV.

J’ai écrit ce deuxième texte avec la même intention que le texte précédent : Rappeler qu’il y a plusieurs courants se reconnaissants de la non violence. Clarifier, du mieux que je puisse, la différence, d’après chaque courant les différents usages possibles de la désobéissance (/de la force).
Quels sont les usages possibles de la force en CNV ? L’Action Directe Non Violente est-elle compatible avec la pratique de la CNV ?

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

L’usage protecteur de la force

Contrairement à la philosophie de Gandhi ou de M. L. King, la Communication Nonviolente nous propose lorsqu’une Vie ou des droits sont en danger de recourir à l’emploi protecteur de la force. Cela n’est possible que si nous ne portons aucun jugement sur la personne ou sur son comportement. Rosenberg pense que c’est essentiellement par inconscience que les individu∙es adoptent des comportements dangereux pour eux-mêmes/elles-mêmes et pour les autres et que ce n’est pas par nature que les gens sont violents. Cette vision est à la base de toute la philosophie de la CNV. C’est un postulat, vous pouvez ne pas être d’accord ;-). Cet axiome invite à un changement de paradigme total, à un bouleversement de notre regard sur le monde. J’aime croire que les humains ne sont fondamentalement pas violents car cette vision me permet de rester en lien, de me relier à des gens bien différents de moi !              

Ainsi, l’usage protecteur de la force est inévitable quand il n’y a plus d’échange ou qu’il n’y a plus le temps d’échanger (imminence du danger). L’intention est alors d’éviter les dommages corporels, les dommages matériels ou les injustices.                
L’exemple habituel est cet enfant qui traverse la route sans regarder, celui qui traversait déjà un peu n’importe comment dans mon texte sur la colère. Mais là, un gros camion lui fonce dessus ! Je ne vais pas me mettre à « faire de la CNV » : « mon très cher, j’observe qu’un camion de 22m3 avance vers toi à une vitesse supérieure à 50km/h et que tu ne l’as pas encore vu [observation], je me sens MEGA inquiet car j’ai besoin de sécurité [Sentiments, Besoins], pourrais-tu stp… [demande] ». Non, je me jette, je le remets sur le trottoir, j’ai fait un usage protecteur de la force.

(Licence CC0 Public Domain)
C’est un peu comme ça que je vois la situation… face à l’imminence du danger 😉

Après, je pourrais éventuellement, me mettre à l’écoute de mes sentiments (auto-empathie car GROSSE peur) pour pouvoir lui expliquer mon geste de façon neutre (sans le gronder car j’ai été inquiet, sans le sermonner) et enfin lui demander comment il ou elle se sent (demande de connexion).

L’usage répressif de la force

Cela est très différent de l’usage répressif de la force (punition, reproches, menace, etc.), qui lui n’est pas non violent d’après la philosophie de la CNV.  A ce moment, nous considérons que l’autre a fait quelque chose de « mal », et qu’il faut recourir à la douleur, la restriction, l’humiliation pour qu’elle « comprenne », pour qu’elle se repente ou change. Cet usage perpétue une norme sociale donnée qui légitime l’usage de la violence pour solutionner les conflits.

Car quand nous avons peur qu’une punition arrive… où portons-nous notre attention ? Nous sommes attentifs∙ves à ce qui pourrait nous arriver ! C’est le phénomène de la peur du gendarme. Le simple fait de savoir qu’il existe un système pénitentiaire et judiciaire, qui pourrait sévir si nous faisons quelque chose de mal ou de hors la loi suffit en général pour que la majorité des personnes respectent la loi (quitte à trouver de petits arrangements). Il n’y a pas besoin qu’il y ait un∙e gendarme derrière chacun∙e de nous. Nous nous gendarmons nous-mêmes, par peur des sanctions, le processus est intériorisé. Ainsi, respecter la limite de vitesse en voiture pour ne pas avoir d’amende et peut-être ne plus se rappeler que la limite sert à quelque chose (par exemple, que les piétons aient plus de chance d’avoir la vie sauve en ville ou limiter la pollution).

(Licence CC0 Public Domain)
La peur découle de l’usage répressif de la force (menace, humiliation, punition, etc.)

Deuxièmement, nous avons plus de mal à répondre aux besoins de la personne qui fait un usage de la force sur nous. En effet, comment arriver à rester centré∙e sur les sentiments et besoins de la personne qui fait un usage de la force sur nous ? Que ce soit à cause de la douleur, la restriction ou l’humiliation nous allons avoir tendance à nous méfier, à entendre ses mots comme des critiques ou des jugements, nous mettre sur la défensive, nous replier, prendre de la distance ou encore nous montrer agressifs∙ves (répondre, chercher à se venger). Utiliser la force répressive, contraignante, limite nos chances d’être entendu∙es et coupe le flux naturel d’interdépendance entre les humains.        

Quel(s) usage(s) de la force en Action Directe ?

Dans le cas de la désobéissance civile, j’ai l’impression que nous partons du principe qu’il y a danger immédiat pour l’humanité (dérèglement climatique), qu’il n’y a plus le temps de « faire de la CNV », qu’il n’est plus possible même de respecter la Loi car elle nous met tous et toutes en péril. Nous décidons alors d’avoir recours à l’usage protecteur de la force.   
Mais les changements ne sont pas forcément visibles juste après l’action (rarement même). Ils dépendent de la réaction de la « cible » (banque, institution), de son bon vouloir ; des temps de négociations, de plaidoyer sont nécessaires. Alors, il se peut que nous choisissons de réitérer, de faire une autre action, similaire ou différente, puis une action de plus grande ampleur. Bref, nous poursuivons notre stratégie car nous souhaitons à tout prix voir du changement chez l’autre. Marshall disait « nous ne pouvons jamais forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit » enfin… si l’on cherche à rester dans l’intention de la CNV ! ^-^. Alors si suite à ma « demande », je ne peux pas entendre un « non », c’est que j’ai formulé une exigence.          

Après une action directe non violente, sommes-nous capable collectivement d’entendre un « non » de la cible ? Suis-je capable moi Noa d’entendre un « non » de la cible ? Je ne crois pas. Je me sens impuissant alors je désire continuer à me battre pour limiter le dérèglement climatique . Ne suis-je pas d’ailleurs en train de me dire que la cible fait quelque chose de « mal » et que moi je lutte pour le « bien » ? Ne suis-je pas en train de tomber dans une vision d’ennemi (la « cible »), une catégorisation (« pouah, quel pollueur, profiteur, irresponsable ») ?

(Licence CC0 Public Domain)

Est-ce que nous ne sommes pas en train d’essayer d’intimider la cible (en jouant sur son image publique) pour qu’elle change de conduite donc d’avoir recours quelque part à l’usage répressif de la force ?   
Je cite encore une fois Rosenberg : « dès lors que nos besoins sont satisfaits de cette manière, non seulement nous perdons mais nous contribuons à la violence sur Terre » (quand bien même notre « problème » aurait été résolu à court terme).

J’ai été fervent militant pendant de nombreuses années au sein des actions directes non violentes. J’aime ce qu’elles permettent de faire collectivement : regagner de la puissance d’agir, retrouver un sentiment d’appartenance (« je ne suis pas seul∙e à avoir ces valeurs »), parfois changer concrètement les choses. Je voulais juste souligner que la non violence d’une action directe peut-être encore une fois, très différente de la philosophie de la Nonviolence de Rosenberg.
Plus je baigne dans la CNV, plus il m’est difficile de retrouver l’élan à faire des Action Directes NV, je suis partagé et pourtant mon cœur s’interroge : alors comment changer le monde en restant en cohérence avec mes valeurs écologiques et non-violentes dans le sens de Marshall ? [Lire le texte suivant]


Pour aller plus loin

Rosenberg Marshall, Les mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2005 (édition 2015), p201-211, 260p.

Désobéissance civile et non violences (1/3)

De quelle violence ou de quelle non-violence parle-t-on ? De quelle désobéissance parle-t-on ?

J’ai toujours eu envie de changer le monde, de transformer l’existant en un lieu moins inégalitaire, plus équitable, plus doux, plus convivial, plus écologique, plus frugal. Plus désirable finalement. Cette quête a été mon fil conducteur pendant de nombreuses années, la flamme derrière ma militance, le leitmotiv de mon engagement.           
Après deux ans de baignade délicieuse dans l’univers de la Communication Nonviolente (CNV), j’ai eu envie de produire un texte qui viendrait mettre en regard, de façon subjective et partielle, deux façons de faire de la désobéissance civile non-violente (Gandhi, l’Action Directe Non Violente). Dans un second texte, pour continuer dans cette lignée désobéissante, je reparlerai des usages possibles de la force en CNV.  Enfin, le dernier texte me permettra de revenir sur le changement que je veux voir dans le monde, qui serait en accord avec une posture CNV.

J’ai écrit ce premier texte avec ces intentions : Rappeler qu’il y a plusieurs courants se reconnaissants de la non violence. Clarifier, du mieux que je puisse, la différence, d’après chaque courant les différents usages possibles de la désobéissance (/de la force).

Je crois que la question de ce premier texte est de savoir de quelle violence ou de quelle non-violence parle-t-on ? e quelle force (/désobéissance) parle-t-on ?

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

La non-violence de Gandhi

Pour écrire ce paragraphe, je me suis principalement inspiré d’une lecture : un chapitre de Robert Deliège sur la vie de Gandhi, parce qu’au final, je connaissais peu de choses sur la vie du Mahatma.
La non-violence pour Gandhi est une méthode d’action, politique et sociale. Un moyen et une fin en soi. Dans les luttes -plutôt connues, comme la marche du sel- qu’il a menées, il mélangeait désobéissance civile de masse, résistance et/ou boycott. Il invitait les militant∙es à ne jamais avoir recours à la violence sous quelle que forme que ce soit, à ne jamais montrer leur propre colère, voire à se laisser placidement arrêter. Robert Deliège raconte que « l’exemple donné par les participant∙es, […] leur détermination sont essentiels à la réalisation du but final ».

(Licence CC0 Public Domain)
Gandhi : « An eye for an eye makes the whole world blind » – La maxime « œil pour œil » rend l’ensemble du monde aveugle »

Gandhi a inspiré de nombreux mouvements de libération et de défense des droits dans le monde. Il est reconnu pour mélanger fermeté, compromis, persuasion et discussion. J’ai compris, avec étonnement, qu’il ne considérait pas la pression morale, le chantage comme des violences. Également, Gandhi valorise la mortification et le jeûne sévère, que d’autres courants pourraient voir comme de la violence (physique) exercée sur soi-même.  Pour lui, ce sont des actes moraux, spirituels, purificateurs. Parfois, Gandhi a eu recours à des grèves de la faim comme un autre moyen dans la poursuite de ses luttes.
La non-violence n’a jamais été pour Gandhi un acte de faiblesse, un renoncement et/ou l’expression d’une peur, c’était un choix conscient, une solution pour changer la société. Gandhi pensait que la non-violence ne se résume pas au fait de ne pas tuer, mais de ne plus avoir d’ennemi∙es. D’aller jusqu’à les aimer et de ne plus accepter que du tort leur soit fait !               
En cela, je crois le courant de la CNV et la pensée de Gandhi se rejoignent.      

De ce que j’ai compris, en revanche, Gandhi était conscient qu’il s’agissait là d’un idéal de perfection, d’une exigence, qui plus est très élevée. De mon côté, quand je pratique la CNV, une fois que je me suis donné de l’auto-empathie ou une fois que mes besoins sont tranquillement nourris, je ne me dis jamais qu’il faut que j’aime autrui. L’envie de me connecter (besoin d’interdépendance) et l’empathie découlent naturellement, si j’en ai l’élan, une fois que j’ai pris soin de moi. Également Rosenberg insiste très souvent sur la vision d’ennemi qui vient créer une opposition, redire qui a tort-qui a raison, alors qu’en CNV, avant toute chose se situe l’intention : quelle qualité de la relation j’aimerai tisser avec cette personne ?

L’Action (directe) Non Violente

J’ai milité pendant longtemps en pratiquant des Actions Directes Non Violentes, en compagnie des associations comme Alternatiba, ANV COP21, Les Ami∙es de la Terre ou encore ATTAC. Il s’agissait par exemple d’aller bloquer une banque pour sensibiliser les employé∙es au fait que leur (haute) direction continue de financer des énergies fossiles les plus polluantes. Demander que l’information remonte en interne. Puis recommencer et ainsi alerter à la fois l’opinion publique mais également causer assez de perte de temps, d’argent, ou nuire à l’image publique de la banque en question pour commencer à pouvoir faire pression sur la (haute) direction.

L’Action Non Violente (ANV) considère d’une part que les personnes qui militent se battent pour le « bien commun » ou disons pour le mieux-être de la grande majorité de la société civile voire de la planète. Ces actions peuvent utiliser des moyens légaux (lobbying, plaidoyer, actions en justice, actions légales) mais aussi la légitime défense ou encore la désobéissance civile. Elles cherchent à faire prise, là où individuellement nous pourrions nous sentir impuissant∙es (et atterré∙es !), pour nous redonner collectivement de la puissance d’agir et espoir.

(Noa – Licence CC BY-NC-SA 4.0)
2018 – Une action légale pour dénoncer la prolifération des panneaux publicitaires vidéos énergivores.

A aucun moment, les militant∙es ne s’en prennent aux personnes : il y a une distinction faite entre les actes effectués (estimés violents : comme construire un pipeline) et les personnes (dirigeantes, décisionnaires ou exécutantes) qui les commettent. Il y a toujours une proposition décente, une porte de sortie laissée à « l’adversaire ».

Le consensus d’action est le suivant : jamais de dégradation matérielle ni de violence physique ni de violence psychologique. Nous agissons à visage découvert, avec calme, respect mais détermination et avec nos papiers d’identité dans la poche. Pourquoi ? Parce que nous sommes tous∙tes responsables, nous savons à quoi nous attendre avant chaque action (risque légal, juridique) et nous sommes prêt∙es à assumer cela jusqu’au bout (interpellation, garde à vue, amendes, prison!).

Car, selon la durée et la complexité des actions menées, la répression peut survenir ; je dirai même il faut compter avec elle ! En effet, je me dis que la lutte non violente vient déranger l’ordre établi (que ce soit l’État, des institutions, des organismes privés), bref une forme de pouvoir -« pouvoir-sur »- quel qu’il soit… Pas étonnant je trouve qu’une forme de répression soit alors déployée pour étouffer cette perturbation !

(Licence CC-BY-SA 2.0 Wikimedia Commons)
2017 – L’action de masse de désobéissance civile « Ende Gelände » : blocage d’une gigantesque mine de charbon allemande, avec des militant∙es venu∙es de nombreux pays.
On voit des groupes de militant∙es (en blanc) face aux lignes des forces de l’ordre (tenues foncées).

D’ailleurs, c’est cette répression, souvent brutale, qui vient pointer là où sont les enjeux de la lutte et où se cache le pouvoir (qui est protégé par le Pouvoir en place). L’utilisation de la non violence permet aussi de bénéficier d’un plus grand soutien auprès de l’opinion publique : comment ne pas être un peu outré∙e en voyant des militant∙es pacifistes, les bras en l’air, dénonçant une injustice quelconque qui se font malmené∙es/ arrêté∙es par une troupe de policier∙es ou de gendarmes carapacé∙es ? Les forces de l’ordre seraient-elles « du côté » des banques ?

Et du côté de la CNV, qu’en est-il ? Quelle désobéissance est possible? [Lire le texte suivant]


Pour aller plus loin

Deliège Robert, Gandhi sa vie et sa pensée, Chap V., p. 149-170. books.openedition.org/septentrion/13947?lang=fr, Consulté en Août 2019.
Wikipédia : fr.wikipedia.org/wiki/Non-violence
Les sites des associations : Alternatiba, ANV COP21, Les Ami∙es de la Terre ou encore ATTAC

Blog

Dans ce blog : des articles autour de mes réflexions personnelles ainsi que certains supports de Communication NonViolente que je donne en fin d’atelier.

Je vais profiter de ce blog pour vous partager :
des articles plus ou moins longs sur mes réflexions du moment, autour des grands thèmes de ce site (Non Violence, Écologie, Féminisme, Décroissance, etc.), reflet d’un avis bien personnel.

Petite revue non exhaustive des articles disponibles (vous pouvez les retrouver tous en regardant dans la barre latérale, à droite) :

  • Un article pour clarifier les liens entre la Colère & la Violence ou la Non Violence, à lire ici.
  • Un article (riquiqui) sur l’écriture inclusive ici
  • Un autre sur la puissance et le pouvoir ici (Starhawk)
  • Un triptyque (^^) autour des façons de faire de la désobéissance civile selon divers courants non violents (Gandhi, Actions Directes Non Violentes, la CNV) à lire de préférence dans cet ordre : ici, ici puis .
  • Un texte autour pour apprendre à dire non tout en restant en lien, pour recevoir plus sereinement un non.
(Licence CC0 Public Domain)

le contenu de certains « mémos » que je distribue en fin d’atelier. Je rédige mes supports sous licence CC-BY-NC-SA. Vous pouvez tout à fait copier, transmettre ou transformer librement ces articles là, en me citant (Noa) dès lors que c’est pour un usage non commercial car je suis ravi de favoriser la diffusion et l’utilisation de la Communication Nonviolente par et pour le plus grand nombre de personnes.

  • Premiers pas pour une Communication Nonviolente – ICI.
  • Libéré∙e, délivré∙e, de ma culpabilité ! – ICI
  • Je ne fais rien, j’écoute… (et c’est énorme !) – ICI.
  • « Je dois, il faut » : me libérer de mes conditionnements – ICI.
  • Demander la lune… – ICI.
  • Dire non avec sincérité et rester en lien – ICI.