De l’écriture inclusive…

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa

Le discours, d’après moi, étant un instrument de pouvoir, j’ai choisi d’avoir recours à l’écriture inclusive pour participer à la déconstruction des inégalités et des stéréotypes de genre dans notre société et commencer ainsi à dés-invisibiliser le féminin dans le français. C’est un positionnement politique bien sûr, car je ne suis pas d’accord avec l’idée que le masculin représenterait l’universel, le générique ou serait neutre, alors que le féminin serait particulier, spécifique.
Je souhaite passer du pouvoir-sur au pouvoir-du-dedans (plus d’infos ici!) : me dire que ce langage est aussi le mien et que je peux décider de son évolution pour qu’il corresponde au monde qui me parle.

Pour le dire autrement, j’ai besoin de cohérence, de pouvoir parler et penser en étant en accord avec mes valeurs. Car cela me redonne de la puissance, de l’authenticité, de la confiance en moi.

Je rejoins Pınar Selek, cette activiste turque antimilitariste et féministe, qui dit : « j’aime danser avec la manière de dire les choses ».

Techniquement !

J’utiliserai donc assez souvent le point médian « ∙ » dans les terminaisons ainsi que l’alternance des pronoms personnels, et j’accorderai parfois le participe passé ou l’adjectif avec le nom le plus proche (règle de proximité).

  • Chacune pour dire chacun et chacune; toustes pour tous et toutes
  • Ilelle pour il et elle, il ou elle. Parfois, un « iel » ou « yel » (au pluriel : iels ou yels) pourra m’échapper, ce néologisme est la contraction des deux pronoms personnels et permet également de dépasser l’éternelle binarité des genres dans laquelle je ne me reconnais pas.
  • Si les mots ont des terminaisons vraiment différentes selon leur genre, je peux les répéter : la traductricele traducteur
  • Pour la règle de proximité, je pourrais écrire « Le raisin et la pomme que j’ai dévorée » ou « Le raisin et la pomme que j’ai dévorées ». L’exemple le plus connu, que j’affectionne particulièrement est : « que les hommes et les femmes soient belles ! »
  • J’utiliserai le mot personne ou humain plutôt que homme (aoutch!)!
  • Il se peut aussi parfois que je n’utilise pas l’écriture inclusive, soit que j’ai oublié ^^, soit pour garder une certaine souplesse et de liberté d’écriture. Vous verrez ainsi parfois écrit : individu et d’autres fois individue; humain∙e ou humain, etc.

PolémiqueS

Il est possible que ce choix ne sera pas au goût de tout le monde, pour avoir déjà vu de nombreux commentaires sur internet à ce sujet et avoir été témoin du passage à l’écriture inclusive dans la revue S!lence… jamais le courrier des lecteurs et des lectrices n’a jamais été aussi virulent ni nombreux!
Certaines personnes trouvent que cela alourdit et complexifie la lecture (besoin de clarté? de tranquillité?), d’autres que c’est un outrage à la langue (besoin de stabilité?). Je comprends que ma stratégie ne réponde pas forcément à vos besoins. Je vous propose de réfléchir ensemble à une nouvelle stratégie qui nous convienne à tous… et toutes! Repartons de nos besoins et trouvons une solution créative joyeuse et encore une fois empuissante ! 🙂

(Licence CC0 Public Domain)

Pouvoir ou Puissance ?

J’évoquais dans un article précédent que la violence, pour moi, prend principalement racine dans la frustration, l’impuissance. Il m’a semblé alors bien naturel de creuser sur la question de la puissance. Mais qu’est-ce que la puissance ? Est-ce comme le pouvoir ? La puissance est-elle une « mauvaise » chose ?
J’écris ce texte avec cette intention : clarifier la différence entre puissance et pouvoir. Introduire les termes de Starhawk qui me sont si chers : pouvoir-sur et pouvoir-du-dedans puis parler d’empowerement.

Texte sous licence CC-BY-NC-SA – Noa


De la puissance

Une fois en atelier de Communication Nonviolente (CNV), nous étions en train de chercher les besoins non nourris d’un∙e participant∙e qui racontait une situation vécue et à un moment, j’ai proposé « Puissance Personnelle ». Regards horrifiés du groupe et gros blanc. Je ne pourrais plus citer de mémoire ce que mon interlocutrice∙mon interlocuteur m’a répondu mais c’était quelque chose du genre : « je ne suis pas une personne qui cherche le pouvoir ».

J’ai été étonné puis peiné car pour moi la puissance est un besoin universel (au sens de la CNV) et donc ni bon, ni mauvais. Je pourrais le traduire par « accomplissement de soi » ou « autonomie » ou « force intérieure » ou encore parfois « souveraineté ». D’où vient cette confusion sémantique entre nous ?

Quand je regarde dans mon Larousse de Poche (1995, p537) à Puissance, je lis« (n.f.) 1/ Autorité, pouvoir de commander, de dominer ; 2/ état souverain ; 3/ qualité de ce qui peut fournir de l’énergie ». Dans le Larousse en ligne apparaît la notion (mais également en second !) de : « Caractère de ce qui peut beaucoup, de ce qui produit de grands effets (syn. Efficacité) ».     
Arg !? La puissance servirait-elle d’abord à dominer ? …

Quelques mots de Starhawk

Starhawk est une sorcière néopaïenne, militante, féministe, écologiste et non-violente. Elle a écrit de nombreux livres, notamment autour des actions directes non violentes internationales (quoique altermondialistes 😉 ) et des fonctionnements des groupes (associatifs, militants ou manifestants) pour les rendre plus horizontaux. Sa réflexion m’est chère et m’a souvent aidé à penser. 

Rêver L’obscur, retraduit en français en 2015 aux éditions Cambourakis.

Anne Querien, une sociologue et traductrice de Rêver l’Obscur deStrahawk dit : « La découverte que nous avons faite dans [ce] livre, c’est que le pouvoir n’est pas un, donc à s’approprier, mais deux ».

Starhawk parle en effet de « pouvoir-sur », ce pouvoir qui domine, qui force à faire, qui sépare, qui impose, qui meurtrit ou qui assassine. C’est que j’interprète comme le Pouvoir dans un sens habituel : « ça » vient du haut et « ça » écrabouille… Plus ce pouvoir coule, plus il nuit à d’autres. Il ne peut être exercé par une minorité et peut être perdu. Starhawk note que « les systèmes patriarcaux font passer l’agression pour le vrai pouvoir, et nient les pouvoirs que représentent par exemple le fait de créer ou de prendre soin ».

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Comment je me représente le « pouvoir-sur »

Mais il y aussi, dit-elle, le « pouvoir-du-dedans », ce pouvoir vivant, qui résiste, qui fabrique, mais ne se nourrit ni ne se déploie jamais au détriment d’autrui, humains ou autres qu’humains. C’est le pouvoir de, celui que je lie à la Puissance, qui découle à la fois de l’interdépendance entre nous tous et toutes (humains ou autres qu’humains) et de la capacité de chacun∙e à déployer sa force, ses couleurs, sa créativité, ses talents, ses envies, son unicité, etc. Ce pouvoir part du bas et irrigue&alimente les alentours. C’est aussi un pouvoir qui s’arrose lui-même : plus de puissance d’agir me donnera plus de puissance d’agir, il est peu probable que je la perde.   
Isabelle Filliozat, écrivaine, psychothérapeute et conférencière sur les émotions&la parentalité explique autrement : exercer un certain pouvoir (je peux cracher, je peux courir) n’est pas la même chose que prendre le pouvoir. Quand je peux, j’ai la capacité ou je suis libre de. Après je peux déployer des stratégies bien différentes, qui prennent en compte ou non autrui et ses besoins…  Elle rappelle que pouvoir est un verbe et que je peux le conjuguer différemment !

Plus le pouvoir-du-dedans coule, plus ce pouvoir peut émerger chez d’autres. Car la puissance personnelle est inventive, partageuse, elle permet de créer de nouvelles réalités et de faire un pas de côté par rapport au schème du pouvoir-sur.  J’observe la même chose que Starhawk, l’idéologie dominante dans notre société occidentale ne donne que peu de crédit au pouvoir-de, celui-ci est peu reconnu ou peu valorisé. Est-ce parce qu’il est si subversif et… puissant ? 🙂

J’ai plus de pouvoir que la voisine, ahah ! Victoire ?

Isabelle Filliozat se demande si j’ai plus de pouvoir que mon∙ma voisin∙e, puis-je pour autant déclarer que j’ai ou j’exerce une quelconque supériorité sur il∙elle ? Non, je peux seulement dire que je suis dans situation privilégiée. Hum, la question des privilèges…

Si la puissance est un besoin au sens CNV, tous les humains en ont potentiellement besoin (à un moment où un autre), cependant, du fait que nous nous inscrivons dans un monde & dans une société (occidentale pour ma part) structurellement inégale, en réalité, nous n’avons pas tous∙toutes le même pouvoir-de !

Le concept d’empowerment définit le développement du pouvoir d’agir des individus et des groupes sur leurs conditions sociales, économiques ou politiques ou écologiques. Il est à la croisée entre émancipation et transformation du monde existant (logique contestataire). Il signifie reprendre le pouvoir (pourvoir-de) de la part de personnes qui en sont ou en ont été privées pour des raisons structurelles, intrinsèques à une société donnée (expl : occidentale). Au Quebec, on parle d’« autonomisation », chez Judith Butler –philosophe américaine- d’« agentivation ». Moi, j’aime parler de puissance d’agir, d’empuissantement. C’est le pouvoir-du-dedans de Starhawk, quand il s’inscrit dans un contexte politique donné.

Viens t’empuissanter ! 

Comment s’empuissanter ?

Starhawk conseille de « pas avoir peur de voyager vers l’obscur », de descendre en soi-même, pour guérir et sortir de la haine de soi. Elle invite à prendre conscience que nos relations (humaines ou avec les autres qu’humains ou la terre) nous nourrissent et nous soutiennent. Et je crois bien que c’est ce que propose aussi la CNV, même si les mots sont différents. Rosenberg rappelle très souvent que nous sommes interdépendant∙es ; que nous ne pouvons jamais forcer qui que ce soit à faire quoi que ce soit (je n’utilise jamais le « pouvoir-sur » si je veux rester dans l’esprit de la CNV) et la CNV globalement nous invite à effectuer en permanence (ou presque) un retour sur soi.             
Exemple : Ce n’est pas la personne qui « me met en rogne » car je suis responsable de mes sentiments. Cette personne n’est que le stimulus, alors, je descends en moi-même : quels sont mes besoins ? Je creuse jusqu’à l’apaisement.

Pour ma part, plusieurs dispositifs ont été d’autant de clés pour gagner en Puissance Intérieure. Tout d’abord, tous les outils politiques d’empowerement : travailler dans des associations différentes, découvrir puis développer la gouvernance horizontale-partagée dans un groupe associatif, développer ma pensée politique (prendre conscience de la convergence des luttes, de l’imbrication des dominations, que mon parcours-mes difficultés-mes privilèges ne sont pas les mêmes que mon∙ma camarade de militance mais ne rien prioriser ni n’oublier personne, etc.), travailler à l’autogestion, questionner en permanence mon rapport au pouvoir (pouvoir-sur), travailler mon cadre et ma posture, savoir d’où je parle et avec quelle intention, et à chaque frottement (interne ou externe) : en parler, échanger, écouter, parler pour moi (au je), penser, rencontrer encore, grandir.

Mon deuxième grand coup de cœur à été les actions directes non violentes. Cette façon de militer que j’ai pratiqué pendant de nombreuses années m’a permis de me rendre compte que je ne n’étais pas seul∙e, que d’autres personnes souhaitaient aussi changer le monde : lutter contre l’investissement dans les énergies fossiles les plus polluantes, demander une taxation sur les transactions financières pour récolter des fonds, empêcher la création d’autoroutes inutiles ou de pipelines, mobiliser pendant les COP (Conférences Internationales « pour » le climat). Ces actions me permettaient d’avoir prise (besoin de puissance personnelle) sur des situations extérieures qui entraient en conflit avec mes valeurs tout en nourrissant mon besoin d’appartenance.

Enfin, sans surprise, le travail sur moi avec notamment la pratique intensive de la CNV. Chaque jour je constate comme la CNV permet de retrouver plus de pouvoir-de et de se guérir soi. La bienveillance, pensée par Rosenberg, vient me réparer et m’apaiser. Ensuite, et seulement ensuite, elle part de moi pour englober avec douceur les autres (humains) et enfin elle me reconnecte à l’ensemble du monde (autre qu’humains). J’ai l’impression que Starhawk voit les choses de la même façon : elle déploie (et transmet !) sans arrêt par les discours, par les rituels, soin et réparation, à la triple échelle de la terre, des individus et des groupes.

Je rêve d’un monde où chacun∙e aurait conscience de son propre pouvoir-du-dedans et aurait la capacité de l’exercer. Aussi, quelques soient vos manières, de vous empuissanter, puissent-elles croitre, se transmettre et proliférer !

(Licence CC0 Public Domain)

Pour aller plus loin 

Filliozat Isabelle, Il n’y a pas de parent parfait, Marabout, 2012 (5ème édition), 316p.
Larousse de Poche, Dictionnaire des noms communs, 1990 (réédition de 1995), p537, 848p. Et en ligne : www.larousse.fr/dictionnaires/francais/puissance/65022 [consulté en Août 2019]
Querrien Anne, Starhawk, écoféministe et altermondialiste, in Multitudes 2017/2 (n° 67), p54-56. DOI : 10.3917/mult.067.0054 [Consulté en Août 2019]
Rosenberg Marshall, Les mots sont des Fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2005 (édition 2015), 260p.
Starhawk, Rêver l’obscur. Femmes, Magie et Politique, Cambourakis, 2015.
Wikipedia : Définition fr.wikipedia.org/wiki/Empowerment, consulté en Août 2019

Blog

Dans ce blog : des articles autour de mes réflexions personnelles ainsi que certains supports de Communication NonViolente que je donne en fin d’atelier.

Je vais profiter de ce blog pour vous partager :
des articles plus ou moins longs sur mes réflexions du moment, autour des grands thèmes de ce site (Non Violence, Écologie, Féminisme, Décroissance, etc.), reflet d’un avis bien personnel.

Petite revue non exhaustive des articles disponibles (vous pouvez les retrouver tous en regardant dans la barre latérale, à droite) :

  • Un article pour clarifier les liens entre la Colère & la Violence ou la Non Violence, à lire ici.
  • Un article (riquiqui) sur l’écriture inclusive ici
  • Un autre sur la puissance et le pouvoir ici (Starhawk)
  • Un triptyque (^^) autour des façons de faire de la désobéissance civile selon divers courants non violents (Gandhi, Actions Directes Non Violentes, la CNV) à lire de préférence dans cet ordre : ici, ici puis .
  • Un texte autour pour apprendre à dire non tout en restant en lien, pour recevoir plus sereinement un non.
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le contenu de certains « mémos » que je distribue en fin d’atelier. Je rédige mes supports sous licence CC-BY-NC-SA. Vous pouvez tout à fait copier, transmettre ou transformer librement ces articles là, en me citant (Noa) dès lors que c’est pour un usage non commercial car je suis ravi de favoriser la diffusion et l’utilisation de la Communication Nonviolente par et pour le plus grand nombre de personnes.

  • Premiers pas pour une Communication Nonviolente – ICI.
  • Libéré∙e, délivré∙e, de ma culpabilité ! – ICI
  • Je ne fais rien, j’écoute… (et c’est énorme !) – ICI.
  • « Je dois, il faut » : me libérer de mes conditionnements – ICI.
  • Demander la lune… – ICI.
  • Dire non avec sincérité et rester en lien – ICI.